Je voulais juste visiter comme une personne normale un royaume sans histoire. Marcher dans les rues et flâner au grès de mes envies… Au lieu de ça, je me suis retrouvée en chute libre pour finalement terminer dans un gros tas de neige la tête la première. Autant dire qu’en perspective d’atterrissage, ou même de lieu pour goûter les premiers instants sur la terre ferme, je m’en dire mal. Puis pour rien arranger, Hadès a glissé plus loin ou plutôt est tombé. En me redressant j’ai la mauvaise surprise de tomber sur une scène désagréable. On le menace sans vergogne alors qu’il a du mal à se redresser et qu’il cri. Sans attendre l’accord du garde à côté de moi, je termine entre lui et les armes. On ne touche pas à mon ami !

J’avais voulu le leur dire. Mais une voix a été plus rapide. Ce qui me laisse perplexe mais je ne vais pas cacher que je suis tout de même soulagé de les voir partir. La personne à qui appartient la voix se présente. Elsa. La reine. Bizarrement, il ne m’incline pas. Je me contente de la regarder. Son sourire se fait doux et je me détends de plus en plus. Même avec le numéro d’Hadès. La jeune femme me propose alors un endroit plus au sec. Je ne vais pas décliner l’invitation quand même. Serrant la cape qu’elle a posée sur mes épaules pour éviter que je n’attrape froid, je lui fais alors part d’une requête concernant le cadavre à mes côtés. Dès qu’elle me donne une réponse, je m’entends soupirer de soulagement.

- Merci…

Elle me demande juste après de la suivre. À vrai dire, je repense à ses propos. « Les temps qui courent. » ? On a l’impression que ce monde est tout sauf dangereux. Sauf si on compte le froid ou encore les loups. Mais en soit, le lieu est plus agréable et charmant que d’autres ! Je suis donc la reine en silence. Hadès juste sur ma gauche et regarder ce qui se passe autour de lui. Les gens s’arrêtent ou le pointent du doigt en parlant tout bas. Je sais qu’il peut surprendre mais il ne fera de mal à personne. Au même moment, j’entends la voix de la jeune femme me dire l’arrêter si elle est trop curieuse et enchaîne sur une question concernant mon griffon. Je ne prends pas la peine de regarder le concerné, je sais déjà qu’il la regarde. Puis elle enchaîne sur ce que je fais ici et d’où je viens. Je souris.

- Hadès est un griffon. Le genre de créature qu’on trouve dans un livre. Mais lui est bien réel… Je suis ici par curiosité. Rester à ne rien faire n’est pas mon genre, alors je bouge souvent. Je marque une pause. Réfléchissant à la suite. D’où je viens ? Et bien… De la Cité du Crépuscule.

Du moins, mon monde adoptif c’est lui. Pour ce qui est de mon vrai monde, là où j’ai passé plus de cinq ans je n’en ai pas le moindre souvenir. Comme si je n’avais jamais existé. Je hausse les épaules et essaye d’oublier cette sensation désagréable. Le silence tombe alors entre nous deux et elle m’invite dans une auberge déserte. Je comprends que mon ami mort peut me suivre. Il n’est pas contre car il entame de passer la porte. Pourtant, je me dois de l’arrêter. Je lui caresse la tête avant de poser la mienne dessus et lui dire qu’il doit m’attendre dehors. Il frappe le sol en bois de son sabot. Sans doute mécontent mais je garde le silence et pars m’installer à une table.

Les mains jointent, je lève le nez assez souvent en regardant le lieu. C’est chaleureux pour un endroit comme celui-ci… Pas que je critique ! Mais c’est rare pour moi de croiser ce genre de bâtiment. C’est la voix calme de la reine qui me fait revenir à la réalité. Elle me propose des habits. Je me lève et les lèves légèrement les mains.

- Non non ! Ne vous en faites pas pour moi. Pas besoin de vous dérangez je vous assure !

Le vieil homme arrive au même moment et attend que je termine de parler pour me demander ce que je souhaite prendre. Mon regard se pose sur reine. J’ai l’impression qu’il me parle une autre langue en fait. Je sais très bien ce qu’il me demande mais je n’ai rien pour lui payer…

- C’est gentil merci mais je n’ai pas de quoi vous réglez.

Au lieu de se décomposer sur place, il m’adresse un grand sourire et demande à sa souveraine avant de tourner les talons et de nous laisser seules. De nouveau, un silence s’installe et je ne sais pas comment le briser. J’ai ma petite idée ! Mais je me vois mal poser la question. Pas qu’elle est indiscrète loin de là ! Oh et puis…

- M’avoir aidé ? J’ai quand même atterrie dans votre cours, fais peur à tout le monde et vous me tendez la main… Pourquoi ?

La parole d’une reine vaut tout l’or du monde non ? Alors je peux lui faire confiance… En la suivant, je me surprends à l’intriguer. Si ce n’était pas le cas, ces questions étaient plutôt du genre à me tirer les vers du nez… Non. Je ne pense pas. Sincèrement, je lui réponds. Je lui avoue d’où je viens, c que je fais ici et en marchant plus vite pour être à sa hauteur, je remarque un sourire avant qu’elle ne fasse un compliment sur ma ville. Je souris à mon tour mais tristement. Il n’y a que le nom qui donne envie. Le reste, les Ténèbres ont élus domicile comme une invasion de rats. Elle laisse alors passer une supposition que je ne contredis que de très peu,

- Beaucoup non. Mais quelques-uns.

Juste après nos propos, elle m’invite dans une auberge où je laisse Hadès à la porte. Je reste ensuite plantée comme une plante verte au milieu de la pièce à regarder faire Elsa et l’aubergiste. La reine m’informe de la gentillesse dont elle fait preuve à mon égard. Je ne sais pas vraiment où me mettre… Alors je laisse couler pour finalement vouloir m’enterrer dans un coin quand l’homme revient avec de quoi me réchauffer et passer commande. Je décline pour la deuxième fois une offre en prétextant sérieusement que je n’ai rien pour payer. Mais en voyant la tête d’Elsa, je comprends que je viens de faire une belle bêtise. Elle prend alors une commande pour nous deux et je n’ose même pas la contredire. Un sourire plaqué comme une seconde nature, je lui demande alors pourquoi tant de sollicitude envers moi. Sa réponse me laisse échapper un sourire en coin. Je dois donc prendre son invitation comme un dédommagement ? Au moment où la souveraine reprend la parole, les chocolats arrivent et elle me tend ma tasse. Je ne la touche pas et l’écoute plutôt. Son regard se tourne vers mon ami à plume et me demande pour lui. S’il a besoin de quelque chose.

Elle s’excuse juste et me dit qu’elle ne connaît rien sur eux. À vrai dire, personne n'a de vrai connaissance sur les griffons. On pense tout savoir d’eux à travers les livres et les illustrations mais la vérité est toute autre. Mais je ne sais pas comment aborder le sujet. Comment lui dire qu’il se fiche de tout même du froid. Qu’il n’a pas peur ou pas mal. Que je dois veiller sur lui comme une mère car sinon il peut retourner poussière ? Je prends le temps de formuler mes propos pendant qu’elle m’invite à m’asseoir… Je la remercie finalement d’un sourire et d’un signe de tête avant de prendre la tasse dans mes mains. La chaleur de cette dernière me donner la sensation d’une colonie de fourmis traversant mes veines. Je porte le rebord à mes lèvres et manque de recracher face aux deux questions de la reine.

Je laisse échapper une toux malencontreuse et repose mon bien devant moi pour éviter de tout reverser. Décidemment, je suis bien tombée… Je peux très bien comprendre ses interrogations ! Mais comment avouer qu’il est mort ? Je prends une mine songeuse et passe une main sur mon visage,

- Comment vous expliquez…

Pour ne pas paraitre comme une psychopathe en quête de résurrection étrange et de choses occultes… ? Misère. Mes mains terminent par s’ouvrir au-dessus de la table, un signe que je vais me mettre à parler. Que quelque chose va sortir de la bouche. Un signal et… Rien. Rien n’arrive à passer mes lèvres. Un gémissement déconcertant arrive lui à émettre. Mon regard se plonge dans celui de la souveraine. Autant être franche, je verrai bien après…

- Je ne l’ai pas… Apprivoisé au sens propre du terme. Comment dire… Il… je ferme les yeux et prends le courage de tout débiter sans m’arrêter. Il est mort. Je ne l’apprivoise donc pas comme un animal vivant. Disons plutôt qu’il est debout grâce à mon pouvoir et que j’ai le potentiel de faire ce que je veux avec lui. Il ne ressent plus rien donc il n’a besoin de rien. La soif, la faim, le froid, la douleur, la tristesse, la joie il ne connaît plus. C’est un professeur un peu étrange qui l’a ramené à la vie en faisant une petite chirurgie esthétique et recoller les morceaux. Il vient d’un cimetière sur un autre monde, je l’avais trouvé en me promenant… Il avait dû s’échouer sur ce monde et mourir suite à une blessure. C’est pour ça qu’il a des yeux livide et un corps en piteux état.

Lorsque je m’arrête, j’ai toujours les yeux fermés et j’entends encore, au plus profond de moi, des paroles que je souhaite faire sortir mais que j’arrive à taire. Lentement, j’ouvre un œil puis l’autre pour tomber sur une reine souriante… J’essaye d’amorcer un sourire aussi. Plus forcé que jamais mais on fait avec ce qu’on a. Qu’est-ce qui passe dans sa tête ? Elle doit me prendre pour une folle ! Ressusciter des morts… Elle connait ce pouvoir ou pas ? Je peux très bien comprendre qu’Elsa décide de se lever et de courir pour aller chercher de l’aide.

J’ai vraiment du mal à me faire à l’idée que je suis avec la reine de ce monde et qui plus est, que je l’intéresse. Elle me pose tellement de questions que je ne sais pas ce qui est bon à dire ou à garder sous silence. Pour tout avouer, les bonnes manières que j’ai sont assez rudimentaires par rapport à son rang. Même si je suis une princesse à n’en pas douter, je n’ai pas été élevé dans le faste d’un château avec des domestiques tous les deux mètres et une ribambelle de gardes sur le qui-vive. Pourtant, même avec ces manières de souveraine, Elsa reste naturelle et souriante. Même si j’ai fait une entrée en matière sans grande discrétion… Mais ce qui me surprend encore plus c’est son intérêt porté à mon griffon.

Après des phrases restées en suspens, des yeux fermés puis la vérité… J’ouvre les yeux et retombe sur le visage de la reine qui n’a pas retiré son sourire. Décidément, elle me surprend encore. Même pas un gargouillis de dégout ? Ou une grimace ? Ou alors un haut le cœur ? Non. Rien. Juste un sourire plaqué sur ses lèvres. Lentement, je reprends un peu de couleurs et me dis que je n’ai pas de raison d’avoir à me méfier. Surtout après ce qui suit. Elle est sans nul doute émerveillée par mon pouvoir mais je me retiens de lâcher un petit rire lorsqu’elle me pose une question étrange. Puis, elle me demande si j’avais eu peur. Je hausse les épaules prise entre la surprise et une demi-joie,

- Incro… je n’arrive même pas à terminer le mot tellement la réponse me surprend. Pourtant… Euh… Oui enfin sur tout être vivant en fait. Effectivement. je marque une nouvelle pose en baissant cette fois les yeux quelques instants, presque honteuse de mon pouvoir. Très peu de gens accepte ou aime l’idée de côtoyer une nécromante. La peur d’une malédiction peut-être…

Mes épaules se haussèrent par la suite avant que mon attention ne se porte sur la souveraine. Alors comme ça, elle aussi possède un pouvoir ? Sans en demander plus, la magie fait son apparition et un tas de neige prend la vie devant mes yeux. J’ouvre la bouche par émerveillement. Je suis très tentée de toucher ce petit être tournant autour d’un point invisible. Mais très vite, l’entité disparait pour laisser place à de l’eau que le tapis se hâte de faire disparaitre dans son tissu. Elle me dit alors qu’elle maîtrise la neige et la glace. Mais ce qui pique ma curiosité et sans nul doute le côte « donner vie ». Comment elle peut y parvenir ? Pourtant, je ne peux pas même pas lui poser de question qu’elle me devance. Je bois une gorgée du chocolat en suivant son regard.

Hadès nous regarde de la porte et penche sa tête de biais quand je porte mon attention sur lui. Il émet un bruit. Entre un sifflement et chant. Sans doute dire qu’il est flatté par tant d’attention de la part d’une étrangère. Je repose ma tasse, avale lentement le liquide avant de lâcher,

- Bien sûr.

Je me redresse et abandonne mon chocolat chaud pour m’approcher un peu de ma monture pour passer une main sur son cou en adressant un sourire à la reine. Je ne sais pas si elle va avoir le courage de toucher un cadavre mais peut-être aura-t-elle peur de la sensation que va lui procurer un corps froid et inerte… Déjà qu’aux premiers abords, approcher une créature qui n’a plus de pupille mais deux choses blanches comme du lait… Enfin,

- Vous pouvez aussi le toucher si ça vous tente. Je vous aurais bien aussi proposé un tour mais je préfère ne pas m’attirer les foudres de vos gardes ! après un bref silence, je me décide de revenir sur ce qu’elle m’a dit. Ainsi, vous aussi vous avez un don. Mais je me demandais, comment vous pouvez donner la vie à quelque chose qui n’a, comment dire… Pas d’âme à la base ? Enfin, faire comme tout à l’heure ? Puis, d’où vous vient ce pouvoir ?

Si je dois nous comparer, nous sommes deux pies curieuses. L’une intrigue l’autre par son pouvoir respectif. Autant dire qu’on est légèrement étrange. Mais le pire pour moi est sans doute son côté bienveillant qui me montre que mon pouvoir est loin d’être étrange et son intérêt flagrant à me poser des questions. Elle a une idée bien précise de mon pouvoir sous les yeux et elle ne manque pas de me faire la démonstration à son tour. Mais bien vite, son attention se reporte sur Hadès. Décidemment, cette reine ne manque pas de m’étonner ! Après une proposition de le toucher, sa main se lève et un commentaire passe ses lèvres. Je hoche la tête.

- On s’y fait bien rapidement à cette sensation.

Puis, sans détour de ma part, j’entre dans un autre sujet que moi et mon pouvoir. Je me mets à lui poser quelques questions sur son pouvoir et sa première réponse reste vague comme la mienne quand je veux y répondre. Elle me parle ensuite d’un certain Olaf et je ne manque pas d’afficher ma surprise. Finalement, elle en vient à me dire que ses pouvoirs et elle faisaient deux à une époque. Je souris malgré moi.

- Mais le problème est réglé non ? De toute façon, pour vos sujets, ne vous en faites pas. Ils ne vous voient pas comme une créature. Ils ont un profond respect pour vous.

Son regard croise alors le mien et un sourire apparaît sur les lèvres de la souveraine. Mon histoire de ballade sur Hadès revient et je manque de me décomposer sur place en l’écoutant.

- Vous êtes sûre et certaine de vouloir ? Enfin oui vous êtes sérieuse sinon vous ne seriez pas en train me dire ça. Mais… Enfin… C’est…

Je m’arrête en pleine action. Pourquoi ? Parce que je n’arrive pas à aligner trois mots à suite. La surprise de ses propos m’a laissé quelque peu comment dire ? Sur les fesses. Je tape inconsciemment le cou d’Hadès de plus en plus fort mais il ne régit pas ne ressentant plus aucune douleur. Mais ce qui m’interpelle est sans nul doute le bruit que donne mon affection particulièrement prononcée. En regardant ma main, je vois par la même occasion mon griffon me jeter un œil. Il sent très bien que je suis mal à l’aise. Personne ne veut d’habitude monter sur lui. Même Fang ! Guerrière aguerrie et pourtant… Ma main retombe et je souris faiblement en montrant un point à l’extérieur.

Hadès sur les talons, je me mets avec lui dans un coin d’une petite place juste assez large pour ses ailes et une rue devant pour l’élan. Je tape dans mes mains et m’attelle à la préparation de ma monture. Elle tape son sabot sur le sol en pavé en relevant et baissant la tête à plusieurs reprises. En levant le nez de ses pattes arrière, je remarque un attroupement tout autour de nous. La souveraine est comme eux, intriguée et le regard fixé sur moi ou Hadès. Dans un ricanement gêné, je déglutis avant de reprendre le travail.

Lorsque tout est terminé, je m’approche de la reine, m’incline respectueusement en lui tendant une main tout sourire.

- Si ma Dame veut bien se donner la peine, son baptême de l’air va bientôt commencer.

Des murmures dans la foule, des doigts pointaient sur moi et… Tout un coup, ma joie s’envole. Ils doivent se dire que mon griffon est un monstre. Que je suis folle et inconsciente de mettre leur souveraine en danger. Mais elle semble vraiment intéressée par mon pouvoir et par tout le reste. Je ne peux pas le lui refuser. Après tout, si je n’ai pas terminé dans une prison c’est aussi grâce à elle. Après, la question à se poser c’est si je viens avec elle ou pas… Certes elle était en sécurité mais pour une première fois… Je monte rapidement et agilement sur mon ami avant de lui retendre la main. Lorsqu’elle termine derrière moi, je lui donne quelques indications,

- Bienvenus sur Hadès. Pour votre sécurité, il est préférable de ne pas trop regarder en bas et de fermer la bouche. Gardez les bras bien autour de ma taille et les jambes serrées contre lui. Sur ce, que le vol commence !

Prenant les rênes entre les mains, Hadès se mit d’abord à marcher lentement avant de se mettre à courir. La rue avait eu le temps de se vider en un instant dès qu’il sait mit à déployer ses ailes. Oui, je suis quelque peu suicidaire de le faire à la barbe des gardes mais bon ! Très vite, mon griffon prend assez d’élan et d’un coup de rêne, ses pattes décollent du sol. Ses battements d’ailes sont puissants et le bruit du vent contre ces derrières me rendent tellement souriante qu’une douleur me prend à la mâchoire. Nous dépassons bientôt la ville pour surmonter une forêt.

- Accrochez-vous Elsa !

Sans plus de mot, je donne un coup et Hadès se met à piquer du nez les ailes pleinement déployées. Puis, au dernier moment, il frôle de s’écraser mais reprend très vite de l’altitude. Le vol dure ainsi une bonne dizaine de minutes et je me décide de le faire se poser dans une petite clairière bien loin de château. Il est juste perceptible de voir la plus haute tour avec un drapeau y flottant. En me contorsionnant un peu, j’arrive à descendre en premier et me tourne vers la jeune femme,

- Alors ? Verdict ?

Une invitation à chevaucher un cadavre et au lieu de me rire au nez, Elsa accepte. Soit. Je ne vais pas lui dire qu’en fait c’était juste une blague pour se faire bien voir. Elle est réfléchie et surtout elle sait ce qu’elle fait. Ce n’est donc pas à moi de la contredire sur son choix. C’est donc dans cette optique que je me mets à préparer Hadès pour un petit voyage. Pour avouer, cela va être la première fois pour lui et moi ! Accueillir une personne sur son dos et moi derrière. Je dois quand même avouer que la chose me fait un peu peur mais face à son sourire tout commence à s’apaiser. Je lui tends une main avant de faire preuve d’un peu de courtoisie face à son rang mais sa réaction me laisse quelque peu interdite…

Ne pas la voir comme une reine ? Alors qu’elle l’est ? Je la fixe sans comprendre avant t’entendre la fin de sa phrase. Ooh… Je lâche un léger sourire. En peu de temps, on vient de me proposer d’être amies. Le monde change ou je suis toujours tombée sur des gens étranges ? Ou alors, c’est Fang et Elsa qui le sont ? Quoi qu’il en soit, cela ne change pas mes plans pour autant, terminant derrière moi, la souveraine m’agrippe et la découverte peut commencer…

Pour un début, je me décide quand même d’être attentive aux réactions de ma passagère. Mais très vite, voyant qu’elle n’a pas de mal, je me décide de laisser tomber Hadès à la verticale. La réaction de la reine ne se fait pas attendre. Je sens sa tête dans mon dos et surtout ses bras se resserrent autour de ma taille. Pour ma part, je ne peux pas m’empêcher de sourire. La liberté que me procure Hadès est plus agréable que tout ! Au dernier moment, je redresse ma monture et il reprend rapidement de l’altitude pour se poser un peu plus loin. Descendant souplement de ma monture, je porte mes mains à ma taille. La sensation de chaleur suite aux bras d’Elsa commence à se dissiper… Tout en la regardant, je lui demande son avis. Au moins, elle est encore bien en vie !

Je hoche la tête sans un commentaire. Elle a raison, il fallait du temps pour s’habituer à monter un animal de la sorte et surtout un qui vole. Mes lèvres se tirent lorsqu’elle me dit qu’elle compte me montrer à son tour. Je la regarde faire attentivement. Ses gestes sont précis et je dois avouer qu’ils ne sont pas dénués d’une certaine poésie. Un peu étrange dit ainsi. Mais c’est l’impression que ça me donne. Lui laissant le temps de terminer son pouvoir, je lâche un simple bruit d’émerveillement  en voyant un petit groupe de bonhommes de neige venir vers moi et faire la ronde. Comme attiré, je pose un genou au sol et tends mes mains en coupe pour y voir deux petites créations sauter dedans. Ils sont adorables !

Mon attention se porte vers la blonde lorsqu’elle me dit que c’est étrange mais que cette particularité à un avantage avec les enfants. Je ne décroche pas mon sourire avant de reporter mon attention sur le petit attroupement intéressé maintenant par Hadès. Pour sa part, il ne prend même pas la peine de baisser la tête pour regarder un peu. Il a l’air complètement absorbé par autre chose. Quelque chose de lointain. Par instinct, je suis son regard de mort. Mais il n’y a rien, juste des arbres. Je fronce les sourcils et me concentre suffisamment pour sentir au fond de moi une alerte.

- Remontez sur Hadès…

Je lui demande ça sans la regarder. Toujours le regard fixé sur un néant. Tout en prenant soin de déposer les petits bonhommes de neige au sol. Ils retournent près de leurs congénères et je m’approche de ma monture pour prendre une arme. En l’occurrence, puisque je n’ai pas d’arc et que c’est trop encombrant sur mon griffon, je trouve donc une arbalète cachée dans un étui. La tenant donc fermement, je fais quelque pas en avant en pointant l’arme. Je connais cette sensation. J’ai la même avec Fang. Mais je n’avais pas fait attention.  Des Sans-Cœurs dans les environs et pourtant, je ne vois rien…

Mais comme par hasard, c’est quand je fais cette remarque silencieuse que trois tâches noires font leur apparition. Hadès sent ma panique et se cabre à moitié avant de secouer sa tête. Nous sommes dans un monde de Lumière, qu’est-ce qu’ils font là ? Fronçant les sourcils, je fais encore un pas. Je ne compte pas fuir comme la dernière fois… Je ne sais pas trop comment les avoir encore mais si je fuis, ils viendront peut-être en ville. Elsa doit protéger son peuple…

- Il va vous ramener en ville.

Je n’ai pas posé Hadès dans ce lieu pour me faire attaquer par des sans-cœur. Qui plus est, je suis accompagnée par la personne la plus importe de la contrée. S’il lui arrive malheur, un monde perdra sa Reine et je serais sans doute la pire princesse qui existera. Après tout, mener une personne du rang de Elsa droit sur les Ténèbres, il faut être doué. Mais bon, quoi qu’il en soit, je me vois malheureusement dans l’obligation de prendre en main la situation en évitant au maximum la mort. Dès lors où j’ai demandé à la reine de partir, sa réaction me laissa quelque peu surprise. Elle ne voulait pas partir. Je me contente simplement de reporter mon attention devant moi lorsqu’elle affirme savoir se battre.

On étudie la zone, on attend de les avoir à notre porté et le nombre d’ennemis. Puis une mise en garde sort de la bouche de la souveraine et je me retrouve malgré moi sur le dos, les yeux levés vers le ciel bleu et une fulgurante sensation de froid dans le bas du dos. À vrai dire, je ne sais même pas pourquoi nous venons de terminer dans cette position. Mais lorsqu’elle me tend la main pour m’aider, elle se justifie et je me contente de lâcher un remerciement rapide. Reprenant le cours des choses, je me charge de viser une créature et avant même que je n’arrive à appuyer sur la gâchette, un vent froid mais efficace les font reculer.

Je grimace malgré moi à sa demande. Une arme… Je pourrais lui donner sans hésiter mais je ne possède pas grand-chose. Mes doigts se referment automatiquement sur mon arme en ne quittant pas des yeux les créatures. Je n’ai même pas besoin de tester mes propres pouvoirs. Je sais qu’ils seront inefficaces. Du coup, je me contente simplement de viser et de tirer. Un. Deux. Trois. Je souris à chaque sans-cœur évaporés mais très vite, je remarque que d’autres arrivent. Comme une hydre, couper une tête et deux reviennent.

Dans une résignation désagréable, j’attrape le bras de la reine, lui faisant signe de monter sans attendre sur ma monture. Assise à la place du conducteur, je lui demande de prendre les rênes et de se baisser. Hadès déploie ses ailes, prend un léger élan en avant où je me charge d’éliminer les créatures gênantes. Dès qu’il arrive à son allure de croisière, ses pattes émettent un petit saut et nous voilà une fois de plus dans les airs à survoler le lieu de danger. Vu notre hauteur, les sans-cœur n’ont que le choix de disparaître à défaut d’avoir eu deux cœurs purs. Satisfaite de la tournée des évènements, je ne peux m’empêcher de lâcher un sourire en reconduisant la souveraine dans son château. La sécurité est après tout primordiale pour elle. Comme pour moi en fait. Mais si je n’étais plus de ce monde, personne ne pleurerait ma mort et les Ténèbres jubileraient à l’idée de prendre mon cœur en passant.

Dès lors où j’atterrie dans la cours du château, je me rends compte que cette fois encore, les soldats sont là pour nous accueillir. Je grimace en remarquant la tête de l’homme de tout à l’heure. Il me fusille du regard, à croire que je vais terminer six pieds sous terre dans la seconde où il va froncer les sourcils. Mais au lieu de me renfermer sur-même à subir son regard, je me contente de lever la tête haute et de descendre de ma monture juste avant la reine. Je l’aide à mettre un pied à terre et lorsque cela est fait, je ne perds pas de temps et remonte sur Hadès. Regardant l’assemblée amassée autour de nous deux, je sens mes épaules se crisper. Je ferme rapidement les yeux avant de déclarer,

- Soyez prudente et ne vous en fait pas. Ils ne viendront pas attaquer votre Royaume pour la simple et bonne raison qu’il y avait deux cœur purs l’un prêt de l’autre. C’est ça qui les a attiré.

Sans vraiment l’avouer, je viens de lui dire que je suis potentiellement une Princesse de Cœur. Je suis certaines qu’elle sait ce que c’est et sans doute qu’elle possède aussi ce pouvoir. Tout en lui adressant un sourire sincère, j’incline la tête et mon griffon fait demi-tour pour prendre son envol et quitter ce monde de glace et de bonheur.