C’est la première fois depuis longtemps que je pose un pied dans la Ville de Traverse. La dernière fois ? J’étais avec mon père. Autant dire que ça remonte à très loin ! Je me souviens qu’une petite boutique où il m’emmenait toujours pour nous reposer, manger et boire quelque chose. Il faudrait que je vois si elle existe encore…Mais avant, il faut que je sorte enfin ma tête de ce livre… Depuis mes retrouvailles avec Nell, notre tête à tête, nos discussions… J’essaye désespérément de trouver un moyen pour l’aider. Que ce soit en tant que Simili ou même pour sortir de la Confrérie. Du coup, je lis, relis et me fait une overdose de lecture intensive dans l’espoir de trouver une solution. Mais je dois avouer que nos livres ne sont pas d’une grande aide sur ce coup-là. Personne ne parle d’un des deux sujets.

Hadès sur mes talons, ou tout du moins, loin dans mon dos, il se passionne pour les lumières des devantures de magasins et des gens différents qui le regarde. Autant dire que pour un cadavre, il a l’air d’être plutôt « heureux » si je peux dire ça comme ça. Dans un rapide regard vers lui, je lui demande silencieusement de ne pas me lâcher et de suivre ma cadence. Sa tête se relève vers moi pour me fixer de ses yeux morts. Il tape du sabot avant de reprendre sa marche. Laissant échapper un sourire pour ma part, je reporte mon attention sur mon livre… Ne faisant attention à rien ni personne, ce n’est que lorsqu’un point noir dans ma vision me trouble que je me décide de lever mon nez. Devant moi et rapidement, une caisse dévale les marches… Mon visage se crispe et je ferme les yeux.

Un bruit assez assourdissant à mes côtés a le don de me faire sursauter. Lorsque mon attention se porte sur la source, je remarque une caisse de bois renversée et ouverte juste à quelques mètres de moi. Mon attention se porte sur les côtés, derrière moi et pour finir devant. En haut des marches. En un rien de temps, je remarque deux silhouettes. Une petite, arrivant à peu près aux genoux de l’autre. La première s’en va laissant ainsi la seconde. Je profite donc de ce ça pour m’écarter un peu et le laisser récupérer son bien avant de sans doute, lui demander de faire plus attention. Mourir sous une caisse ne fait pas parti de ma liste de morts prématurées. Tout en rangeant mon livre dans mon sac, je ne peux m’empêcher de fixer le jeune homme qui descend.

Brun, yeux bleue. Rien d’anormal ou de mauvais ne se dégage de lui. C’est même plutôt le contraire. On a plus envie de s’approcher et de lui parler que de fuir. J’avais eu la même sensation avec Fang. Dans un froncement de sourcils, mes yeux ne peuvent pas se détacher de sa personne jusqu’à ce qu’il mette les pieds à terre pour finalement ramasser ce qui venait de s’étendre autour de la caisse. Sans appréhension, je m’approche de lui, une main bien serrée sur les anses de mon sac pour trouver la force de lui parler.

Quand je me retrouve devant lui, son regard se lève vers moi. Je m’apprête à lui dire qu’il a failli me tuer mais sa bouche se met à bouger avant moi et me devance donc dans les mots. Il me demande si je vais bien et mon envie de l’enguirlander me passe rapidement au-dessus de la tête. D’abord surprise, j’entrouvre mes lèvres pour répondre mais m’abstiens sur le moment en voyant ce qu’il doit ramasser. Sans un mot, je m’accroupie en face de lui et l’aide à ranger. Lorsque finalement, je décide de briser le silence quelques minutes plus tard.

- Même si j’ai frôlé une mort imminente, je vais bien. Tenez, c’est la dernière chose.

Je lui tends alors un objet empaqueté dans un papier et me redresse juste après. Mes lèvres s’élargissent dans un sourire. À vrai dire, je pourrais me retourner et le laisser reprendre ses affaires. Mais en jetant un œil à la caisse, je me dis qu’il va surement avoir besoin d’aide… Doucement, je m’approche du contenant, regarde dedans par l’ouverture et reporte mon intention sur le jeune homme.

- Besoin d’aide ?

La crédibilité de ma stature n’étant pas assuré en comparaison avec le poids de la boîte, je me dis qu’il va se moquer de moi dans les secondes qui vont suivre… Pourtant, je suis très sérieuse. Après tout, je ne suis pas venue seule ici et Hadès peut toujours ramener la caisse en haut des marches…

Il s’excuse et je n’ai pas le cœur à lui dire qu’éviter de le faire. Je me contente simplement de le regarder se rendre tout seul mal à l’aise et ranger le dernier objet dans la caisse avant de porter son attention sur moi. En croisant son regard, je me serais presque laisser transporter par la couleur de ces derniers si son sourire ne m’avait pas arrêté. Il faut avouer que son regard a quelque chose d’agréable et pur. Mais je ne me laisse pas avoir par si peu et reprends le fil de la situation en lui proposant mon aide et sa réponse commence avant… De mourir sur ses lèvres. J’arque automatiquement un sourcil en fixant son expression. On dirait qu’il vient de voir la fin du monde dans mon dos. Trop prit à scruter ses réactions, je ne prends même pas la peine de me retourner pour voir ce qui se passe. Après tout, ce n’est pas une affaire de sans-cœur. Sinon je les aurais sentis de loin. Pas même de membre de membre de la Confrérie. Sinon son arme serait déjà au clair. Et ça ne doit pas être non plus des parias vu qu’il ne fait rien d’autre que regarder. Puis, sa voix se fait un plus sérieuse qu’au début ,

- Attention à quoi ?

C’est sorti tellement naturellement que je fronce les sourcils sous sa demande étrange. Je ne sens aucune menace pourtant. Je le fixe sérieusement attendant sagement une explication à son geste. Il est prêt à sortir son arme quand même. Le plus naturellement possible venant de moi, je me retourne vers la source de cette réaction pour tomber sur Hadès toujours en train de fixer les éclairages à s’en détruire les yeux. Je ne peux m’empêcher de lâcher un petit rire face à ce spectacle. Le jeune homme doit bien être le seul à se mettre dans cet état pour une pauvre créature innocente comme mon ami mort. Mais finalement, il termine par se décontracter et me pose finalement une question avant de me donner une explication sur son geste. Je prends un peu de temps à répondre, ne pouvant retirer mon sourire de mes lèvres. Puis, lorsque j’y parviens enfin, je prends le bras du jeune homme et le tire dans la direction de ma monture. Cette dernière, attiré par le mouvement pose son regard livide sur nous et penche la tête en laissant échapper un petit cri.

- Je vous présente mon griffon. En ce qui concerne la dangerosité de ma créature, ne vous en fait pas, vu son état, s’il devient agressif se sera simplement pour me protéger.

Doucement, je lâche le bras du jeune brun et pars caresser la tête de ma monture qui ne peut s’empêcher de fixer l’inconnu près de nous. Avec notre rencontre rapide, le fait d’avoir failli terminé écrasé et sa surprise face à Hadès, je me rends compte que je ne connais toujours pas son prénom. Mon regard se reporte sur lui et je me mets à le détailler. À en croire sa carrure, il ne doit pas être un simple homme vivant ici. Puis vu l’arme qu’il transporte… Je dois me faire à l’idée que j’ai à faire à un soldat. Mes lèvres s’étendent dans un sourire, rien qu’en le fixant, je comprends qu’il est aussi pure que moi. Après mes retrouvailles avec mon passé, je dois avouer que de faire un face à face avec une personne comme lui me fait du bien.

- Excusez mon impolitesse. Je suis Malia et vous vous êtes ?

Rapidement, je remarque que malgré moi, je suis n train de le vouvoyer alors que lui vient de prendre la manière la plus informelle pour me parler. Après tout, on a l'air d'avoir presque le même âge et je ne comprends pas pourquoi je viens de lui parler de la sorte. Pourtant, je préfère attendre qu’il me donne l’autorisation de le tutoyer. Ne serait-ce que par politesse.

Il doit être le premier à s’adresser à Hadès de la sorte. Puis le toucher aussi… Je crois que l’espace d’un instant, la surprise doit se lire sur mon visage. D’habitude, on évite de le toucher vu son corps, ses yeux livides et… Il a remarqué que ce qu’il touche est mort ? Décidemment, je crois que je suis tombée sur un spécimen rare d’être humain. Je le regarde toucher la créature ailée qui, de son côté, ne bronche même pas de ce contact. D’accord. Là, c’est étrange… Mais je décide quand même de passer outre la chose en me présentant et une réponse ne tarde pas venir. Ainsi donc, il se nomme Zack. Je lui souris en entendant son prénom et un silence s’installe juste après entre nous.

Pour couper court, le jeune brun reprend la direction de la caisse pour s’en occuper. Lorsqu’il s’adresse de nouveau à moi dans la minute, je me dis sur le coup qu’il va me parler de l’accident mais ses propos me font froncer les sourcils. Il vient de me donner la permission de le tutoyer. Sans une expression de ma part suite à sa demande, je le regarde se débrouiller avec la caisse avant de venir l’aider lorsque des marchandises s’échappent pour s’étaler par terre. Zack me rejoint à genoux pour ramasser avant d’avouer qu’il a besoin d’aide.

- Oui il n’y a aucun problème !

Je compte me retourner pour informer Hadès de sa mission quand la voix de Zack m’arrête. Il me propose de boire un dédommagement pour la gêne et le coup de main. Je me contente simplement de le regarder avec un très large sourire sans lui répondre. Sans un mot, je m’avance vers mon griffon, lui tapote l’encolure avant de le laisser avec le brun. Souriante, je m’approche d’une des échoppes et demande poliment si le vendeur n’aurait pas une longue corde. Intrigué par ma demande, il se penche en avant pour jeter un œil à mes deux acolytes et hausse les sourcils. Je lui dépose une sorte de caution devant les yeux et naturellement, il me tend ce que j’ai besoin. Je le remercie avant de rebrousser chemin.

De nouveau devant les deux êtres, je commence à mettre en place tout un système pour attacher la caisse à mon griffon. Ce dernier se met au-dessus de la chose à déplacer et je termine par faire un nœud. Satisfaite de mon travail, je tape dans mes mains avant de regarder Zack d’un air triomphant. Je laisse juste le temps à ma monture de trouver le moyen de voler sans se blesser et dès qu’il y parvient, ses ailes se déploient et commencent à battre l’air pour prendre de l’altitude. Lorsqu’il arrive à la bonne hauteur, il commence à remonter les marches lentement.

Pour ma part, je le suis légèrement en retrait avec le jeune homme. Je repense à sa proposition et en oublie presque la manœuvre de mon griffon. Tripotant mon livre encore en main, que je n’avais lâchée que pour faire mettre en place le système, je me décide de lui répondre enfin sans le regarder.

- Je ne dirais pas non pour un repas !

Après tout, je n’avais pas mangé depuis la veille au soir. Autant dire que presque vingt-quatre heure sans rien dans le ventre et j’étais bonne pour ronger n’importe quoi le lendemain. Dès lors où ma phrase se termine, j’entends un cri de la part d’Hadès m’indiquant qu’il venait d’arriver. Mes yeux se portent donc sur lui et j’accélère le rythme pour arriver moins d’une minute après près de lui. Je le caresse pour le remercier, le détache et j’informe Zack que je vais redonner la corde au vieille homme et qu’il n’avait qu’à regarder son chargement et faire connaissance avec un griffon pacifique.

Plusieurs plus tard, lorsque je gravis les marches, je tombe sur Hadès en train de regarder le jeune brun comme un oiseau découvrant le monde pour la première fois. Il penche sa tête sur le côté et semble intrigué par l’arme dans son dos et ne se cache pas pour le lui montrer. Dans ce genre de moment, j’en viens à me demander si mon griffon n’avait pas encore un cœur pour agir de la sorte. Pour un cadavre, il a quand même des mimiques d’être vivant… Il faudrait que je penche un peu plus sur le phénomène si j’ai le temps et le cœur. Tandis que je m’approche d’eux, ma monture me surprend à taquiner l’être humain en essayant de lui prendre ses cheveux. J’arque un sourcil avant d’intervenir.

- Un peu de tenu Hadès !

Ce dernier, tourne la tête vers moi en lâchant ce qu’il avait dans le bec avant de faire quelques pas en arrière. Je soupire avant de m’excuser de son comportement loin d’être normal.

- Je devais peut-être me pardonner pour votre… Enfin ta coupe de cheveux.