Bien, on dirait que tout est prêt. Mon portail interdimensionnel est opérationnel. Enfin… je crois. Techniquement, il devrait fonctionner sans problèmes. Après tout, c’est moi qui l’ai conçu. Je suis sûr que Tadashi aurait été impressionné ! Même si je reconnais m’être un peu inspiré du portail de téléportation d’Alistair Krei – mais que seraient les inventeurs sans source d’inspiration ? – et des analyses que j’ai rapidement faites lorsque j’étais à l’intérieur de son portail…

Sauf que celui-là, c’est moi qui l’ai créé. C’est moi qui l’ai programmé, qui ai choisi sa source d’énergie, qui ai rendu la machine stable. Tous les défauts que comportait le portail de téléportation ont été corrigés. Le seul souci qu’il me reste… c’est que pour achever mon invention, il me faut les coordonnées de chaque Monde. Et autant l’avouer aussi, j’ai eu beau réfléchir ou chercher des informations sur Internet, je n’ai rien trouvé, excepté pour le nôtre. Alors j’ai songé à programmer le portail pour qu’il se connecte à l’espace-temps d’un Monde aléatoirement.

Voilà. Maintenant, il ne reste plus qu’à le tester. Et la personne qui va s’en charger n’est nulle autre que… moi. J’ai rangé Baymax dans sa valise pour éviter qu’il me suive et Tante Cassie n’est au courant de rien. En fait, il n’y a que mes Amis qui savent vaguement ce que je fais dans mon atelier. D’ailleurs, personne ne devinera jamais que mon portail est un de mes jouets. Amusant, n’est-ce pas ? Bref. Quand il faut y aller, il faut y aller.

Par précaution, j’ai pris mes Micro-robots avec moi. Sait-on jamais, pour me défendre ! Ou parce que, si je disparais dans le portail pour toujours – comme Abigail – bah, mieux vaut qu’ils soient avec moi au lieu qu’ils ne retombent entre les mains d’un Super Méchant. Parano ? Un peu. J’ai déjà dû prendre sur moi pour les recréer alors bon. Ils ont fait assez de dégâts entre les mains d’un autre.

Prenant mon jouet et passant mon sac à dos sur mes épaules, j’appuie sur un bouton sur le jouet qui fait apparaître une sorte de substance multicolore ressemblant à celle du portail de téléportation. Je prends une profonde inspiration avant d’entrer dans l’étrange substance. À l’intérieur, j’ai l’impression de voir défiler quelques trucs inconnus à la vitesse de lumière avant d’en être éjecté et d’atterrir sur les fesses devant… une ville. Je crois. Le portail se referme derrière moi. Je me relève en frottant mes vêtements.

« Bon. Il faut peut-être que je revoie les atterrissages en douceur. Même si c’est impossible. L’avantage, c’est qu’il fonctionne. Mes calculs étaient justes ! »

M’y voilà donc ! Mais… où ça ? Ils ne connaissent pas les panneaux de signalisation ici ? Non ? Où est-ce que le portail a bien pu m’envoyer… Je trouve qu’il fait sombre. C’est la nuit ? L’espace-temps des autres Mondes varie tant que ça par rapport au mien ? C’est bizarre quand même. Bon. Autant aller visiter un peu les environs, et cette ville inconnue. J’en apprendrai sûrement plus en parlant aux habitants de ce Monde. Je range mon petit jouet dans la poche de ma veste bleue et pénètre dans la ville.

De ce que j’observe, il y a de nombreux magasins proposant des choses en tout genre. Néanmoins, c’est loin d’atteindre la technologie de San Fransokyo. Mais je trouve des trucs vraiment marrants. Pas forcément communs à chez moi. Toutefois, ce fut le petit magasin robotique qui m’intrigue le plus, évidemment. J’entre à l’intérieur. Il n’y a personne, excepté le vendeur. Je passe dans les rayons et aperçois un petit robot sur une étagère trop haute pour moi. Je serre les poings. Décidément ! Je suis sûr que Tadashi se serait encore moqué de moi !

Retirant mon sac, je fouille dedans pour chopper mon Neurotransmetteur et ordonner à mes Micro-robots de faire une échelle jusqu’à l’étagère. Malheureusement, elle ne s’avère pas assez solide… et tout s’écroule sur moi, provoquant un vacarme assourdissant, alertant le vendeur et peut-être quelques passants. Je m’enfuis en vitesse du magasin – suivi par une multitude de Micro-robots, bonjour la discrétion –, m’excusant à peine, définitivement pas doué avec les mots. Et en sortant, je heurte un grand type aux cheveux blancs. C’est pas croyable. À croire que je suis maudit.

Le type aux cheveux blancs me saisit au col et m’envoie valser de l’autre côté de la rue. Et avant que je ne m’écrase sur le sol, j’ordonne à mes Micro-robots de me rattraper. Ceux-ci se rassemblent sous moi pour amortir ma chute. Whouah. Ils ne valent pas Baymax. Mais qu’est-ce qu’il me veut, lui ? Je ne lui ai rien fait, que je sache ! Je me relève et la première chose que je remarque, après le mauvais regard du gars aux cheveux blancs, c’est mon jouet tombé de ma poche que le vendeur allait ramasser.

Laissant échapper un « Non ! », je tends ma main devant moi. Une multitude de Micro-robots se jette vers le vendeur pour récupérer mon petit robot – oui, mon jouet est un robot – sous son nez et me le rapporter aussitôt. On ne touche pas… à mon invention ! Le vendeur, énervé, s’avance dans ma direction pour me reprendre mon robot, car il croit que ça appartient à son magasin. Je fourre mon jouet dans mon sac, puis je monte sur le toit d’une maison grâce à mes Micro-robots qui m’y transportent.

Sérieusement. Dans quel Monde suis-je tombé ? Ils ne sont pas aimables, ici ! Est-ce que mon portail interdimensionnel m’a envoyé dans un Monde des Ténèbres ? J’y crois pas. Je suis vraiment maudit ? Ça expliquerait peut-être ce ciel nocturne. Il fait nuit tout le temps dans les Mondes des Ténèbres ? Je reporte mon attention sur le type aux cheveux blancs qui m’a plus ou moins attaqué sans raison. Je le désigne du doigt, tandis qu’une flèche se forme avec mes Micro-robots devant lui.

« Qu’est-ce que j’ai fait pour que tu m’attaques ? Et d’abord, je suis où, là ? »

Une seconde. Si j’étais dans un Monde des Ténèbres, ces étranges créatures appelées « Sans-cœur » ne m’auraient-elles pas déjà attaqué aussi ? Après tout, j’ai cru comprendre qu’elles cherchaient à voler les cœurs des gens. Or, je n’en ai pas encore croisé. Surtout qu’elles semblent apparaître de nulle part. Je ne comprends pas. Suis-je dans un Monde Neutre ou de Lumière ? Je ramène ma main tendue contre moi, réunissant mes Micro-robots autour de moi par la même occasion.

Peut-être que je devrais m’excuser auprès du vendeur pour calmer les tensions. Je me mords la lèvre inférieure. Je dois lui dire quoi exactement pour qu’il me croie ? Tadashi aurait compris sans qu’on se parle. C’est galère. Trop. Je ne sais pas quoi dire. Les Micro-robots forment un être humain à côté de moi, sous ma demande mentale. Puis, je m’incline légèrement, et ceux-ci m’imitent.

« J-je suis désolé po-pour ce malentendu. J-j’essayais simplement d’atteindre une étagère tr-trop haute pour moi et j-je l’ai malencontreusement cassée. Ex-excusez-moi. M-mais, ça n’explique pas pourquoi, toi, tu m’as attaqué ! »

« Hey ! Lâche-moi ! Ne me touche pas ! »

Mais trop tard. Super, une autre chute libre. Craignant de m’écraser à nouveau sur le sol à cause du type aux cheveux blancs, mes Micro-robots amortissent une seconde fois mon atterrissage. Sérieusement, qu’est-ce qu’il a, ce gars ? Je lui ai fait quoi ? Il m’en veut de l’avoir bousculé tout à l’heure ? Bah, c’est de sa faute, il n’avait pas qu’à pas être dans l’entrée du magasin aussi ! Mon portail m’a vraiment envoyé dans un Monde où les habitants ne sont pas aimables. Vivement que j’en apprenne plus sur celui-ci et que je rentre aussitôt.

Quoi qu’il en soit, peu importe combien je me débats, le type m’entraîne avec lui dans la direction par laquelle je suis arrivé. Bon sang, il a une sacrée force ! Certes, c’est un adulte également. Mais qui est-il à la fin ? Il ne s’est même pas présenté ! Qu’est-ce qu’il me veut ? À peine ai-je pensé ça qu’il m’annonce qu’il a quelque chose à prendre et qu’il voudrait en savoir plus sur la technologie de mon Monde… Pardon ? De quoi je me mêle ? Ça ne le regarde pas. En plus, si ça se trouve, c’est un Super Méchant, alors il n’en est pas question ! S’il veut en apprendre plus, il n’a qu’à s’y rendre. Et s’il s’avère être un Ennemi, mes Amis et moi n’hésiterons pas à l’arrêter !

« Ce qui appartient à mon Monde est à mon Monde. Je ne te dirai rien ! »

Mentalement, je visualise un poing dans le dos du gars aux cheveux blancs. Obéissant à mes ordres, les Micro-robots forment un énorme poing et foncent sur lui. Vu sa force, le coup de la part de plusieurs petits robots réunis n’a pas dû lui faire grand effet. Cependant l’effet de surprise me suffit pour me libérer et m’enfuir aussi vite que je peux. Et il faut bien l’avouer, je ne cours pas extrêmement vite. Si seulement mon grand-frère pouvait apparaître sur son scooter… Et encore heureux que Baymax ne soit pas dans mes pattes !

Enfin, je tourne à l’angle d’une ruelle et ordonne à mes Micro-robots de former une sorte de barrière autour de moi, jusqu’à ce que tout danger potentiel soit écarté. Finalement, peut-être que je devrais rentrer maintenant à San Fransokyo et revenir ici plus tard. Le souci est que je n’ai pas encore entré les coordonnées de ce Monde car je ne connais pas son nom pour l’identifier dans le programme. Et si je le quitte tout de suite, je ne sais pas quand j’aurai la chance d’y revenir. Qu’est-ce que je peux faire ? Attendre que l’étrange type abandonne et s’en aille ? Il n’a pas l’air d’être le genre à laisser tomber comme ça.

Réfléchis Hiro, réfléchis. Trouve un nouvel angle d’approche. Avec Baymax, ça aurait certainement été plus facile. Voler d’un point à un autre est plus rapide. Il faut que je sorte de la ville. Cette nouvelle idée en tête, je demande à mes Micro-robots de retourner dans mon sac, sans pour autant ôter le Neurotransmetteur, au cas où je retomberais sur ce gars. Puis, longeant les murs, je me faufile vers la sortie de la ville…

Vraisemblablement, passer par les ruelles n’était pas une si bonne idée pour échapper au type aux cheveux blancs. J’aurais dû rester plus proche de la rue principale où la Lumière est plus forte. Au moins, ça répond à une de mes questions. Les créatures bizarres se cachent dans l’ombre. C’est assez… logique à vrai dire. Bien, en tout cas, ce ne sont pas quelques Sans-cœur qui vont me faire peur ! Je ne fais parti des Superhéros qui protègent San Fransokyo pour rien ! Vous n’aurez pas mon cœur, sales bêtes !

Et alors que j’allais passer à l’attaque avec mes Micro-robots, le gars auquel j’essaye d’échapper apparaît comme de par magie pour me… protéger. Il élimine la plupart des monstres tandis que je détruis les restants. Non mais j’y crois pas. S’il m’a retrouvé aussi facilement, c’est qu’il me suivait depuis le début, je me trompe ? À quel moment ai-je appelé au secours ? Sérieusement ! Et maintenant, j’ai une dette envers lui ? C’est bon. Je déteste ce type. Il s’y croit trop. Il est énervant.

« Je ne t’ai pas demandé de m’aider ! Je peux me débrouiller tout seul ! »

Impossible. Je ne dois pas lui parler de mon Monde. Qu’est-ce qu’il ferait de ces infos ? Là est le problème. Je ne sais pas justement. Il les vendra peut-être à un quelconque Ennemi, un Allié des Ténèbres. Et si mon Monde se retrouve en danger, ça sera par ma faute ! Je ne peux pas mettre San Fransokyo plus en péril. Il n’en est pas question ! Mais d’un autre côté, le type – un jour, je saurai son nom – me dit qu’il peut m’en apprendre plus sur la ville où je me trouve. Parce qu’il habite ici ? Dois-je en déduire que, peu importe auprès de quel habitant je me renseigne, ils voudront tous savoir comment est mon Monde en retour ?

Tournant le dos à « mon sauveur », je marche jusqu’à la rue principale pour retrouver la Lumière. Pas que je me sente mal à l’aise dans les ruelles mais… mais en fait si. Je ne tiens pas trop à être de nouveau attaqué par des Sans-cœur. Enfin, combien je parie que tant que je n’aurai pas remboursé ma dette envers l’autre type, il me « suivra » où que j’aille ? Je n’ai pas le choix si je comprends bien. Si je ne lui dis rien, peut-être que ça mettra mon Monde encore plus en danger aussi. Tssk ! Décidément, j’ai le don de me m’être un peu dans le pétrin, non ?

« Très bien. D’abord, t’es qui ? Deuxio, qu’est-ce que tu veux savoir sur mon Monde, et qu’est-ce que tu vas faire de ces infos ? Crois-moi, je ne laisse pas passer les gens aux mauvaises intentions ! Je protègerai mon Monde coûte que coûte ! »

Un peu plus et j’entendrais presque mon grand-frère parler. Il répétait sans cesse qu’il voulait voir le nouveau Monde que j’allais créer alors que moi, je souhaitais simplement qu’il reste toujours à mes côtés. Cependant, pour créer ce soi-disant « nouveau Monde », encore faut-il que l’actuel ne soit pas détruit ! Donc nous le protégerons, moi et les autres Big Hero 6 !

Oh donc, le gars aux cheveux blancs se nomme Vergil Sparda, un simple voyageur. Alors ce ne serait pas un Ennemi, juste un banal Civil ? Eh bien, pour un Civil, je trouve qu’il emploie un peu trop la force pour convaincre les autres de répondre à ses questions. Enfin, il paraît que les gens « normaux » n’ont pas de penchant Lumière ou Ténèbres, ça peut expliquer ses actions. Néanmoins, sait-on jamais. Je préfère rester sur mes gardes. Il ne faudrait pas que je tombe dans un piège grossier qui apporterait le désastre à San Fransokyo ! Je ne me le pardonnerai jamais !

Quoi qu’il en soit, d’après ce Vergil, mon Monde serait l’un des plus technologiques existant. Je ne peux m’empêcher d’esquisser un sourire de fierté en découvrant cette particularité qui rend San Fransokyo unique. Et donc, cette incroyable technologie qu’on possède l’intrigue, si je comprends bien ? Il veut en savoir plus dans un but académique… Mais est-ce que je peux le croire ? Parce que, comme pour gagner ma confiance, il m’explique un peu où je me trouve.

Ainsi donc, je suis dans la Ville de Traverse ? J’en ai vaguement entendu parler une ou deux fois. Mais j’ignorais complètement qu’elle était un carrefour entre les Mondes et qu’elle accueillait les habitants des Mondes anéantis. Le fait que cette Ville soit un carrefour explique pourquoi mon portail interdimensionnel est entré en contact avec elle en premier. J’espère qu’après l’avoir enregistré dans mon programme, je n’aurais pas besoin de passer par ici à chaque fois… car ça m’étonnerait que mon portail ait suffisamment d’énergie pour me transporter quatre fois.

M’asseyant à même le sol, je fouille dans mon sac pour sortir mon petit ordi et mon robot. Je relie mon jouet à la machine qui ouvre une fenêtre contenant un programme d’une multitude de codes indénombrables. Cliquant sur un lien, un fichier résultat affiche d’étranges chiffres et lettres à la suite : les coordonnées de la Ville de Traverse. Je souris et ouvre une autre page de codes reliée au programme principal, celle où je répertorie la position de chaque Monde. Je commence à entrer les coordonnées de la Ville de Traverse quand Vergil me demande mon nom, me ramenant plus ou moins à la réalité au passage.

« Ah oui. Je m’appelle Hiro Hamada. Je viens de San Fransokyo, un Monde très moderne. Du genre, au moins dix fois plus évolué que cette pauvre ville. Très souvent, des inventions voient le jour dans le but d’améliorer la vie des habitants. On a même une grande Université réservée aux Inventeurs. »

Je me passe une main dans les cheveux tout en songeant à mon Monde et en veillant à ne pas en dire trop non plus. Je dois vraiment rester prudent. Quelque chose me tilte alors. GoGo a inventé un vélo avec un système électromagnétique… Wasabi a créé un écran plasma à diffraction laser… Des inventions géniales, entre autre ! Mais à aucun moment nous n’avons imaginé les voitures volantes ! Whouah. Comment a-t-on pu passer à côté de ça ?

« Tiens, maintenant que j’y songe, nous avons créé toutes sortes de trucs déments, mais nous n’avons même pas de voitures volantes. Peut-être que je devrais en proposer un prototype lors du prochain SFIT Showcase. »

Pour le coup, je regrette de ne pas avoir pris de crayon et de feuilles tant que j’ai cette idée de voitures volantes en tête. Enfin bon, pas grave. Avec tous mes Micro-robots, je n’avais plus de place dans mon sac. Et puis, je n’ai qu’à le noter sur cet ordi en attendant. Je ne dois juste pas oublier de le transférer sur mon ordi virtuel après. De plus, ça sera plus pratique pour faire les schémas 3D à la maison. Je me replonge dans mon programme, écrivant en chemin sur un petit bloc-notes le prototype des voitures.

Cependant, le dénommé Vergil – dont j’ai bien l’impression qu’il est décidé à me déranger jusqu’au bout – me pose de nouvelles questions, me déconcentrant donc par la même occasion. Je relève la tête vers lui et soupire légèrement. Je n’ai pas de raison de lui parler plus de San Fransokyo. Je lui ai raconté le principal à savoir. Néanmoins, dans l’espoir qui me lâche enfin et me laisse bosser en paix, je lui réponds assez vite :

« Inventeurs, Génies, Intellos, Bricoleurs… On a tous les surnoms possibles. Le SFIT Showcase est un concours au cours duquel tous les Inventeurs se réunissent pour proposer leur projet. J’y ai participé une fois et ça a mal tourné. À croire que je suis maudit. »

Je tends ma main devant moi où quelques Micro-robots se rassemblent pour former une simple balle noire et métallique. Dire que c’est à cause de ma création que mon grand-frère est mort… Si seulement je ne les avais pas créés… Si seulement je m’en étais tenu aux combats de robots… Tadashi serait encore en vie à l’heure actuelle… Un triste sourire se dessine sur mes lèvres, puis je renvoie mes Micro-robots dans mon sac.

Alors que le silence se repose sur la rue et que je retourne travailler sur mon programme, j’entends le gars aux cheveux blanc boire quelque chose. Je n’y prête pas vraiment attention, terminant d’entrer les coordonnées de la Ville de Traverse dans la machine. Je teste ensuite une simulation pour vérifier que le programme reste opérationnel. Ça serait ennuyeux qu’il bug et que je ne puisse pas rentrer. Je sens soudain une présence, guettant ce que je tape sur le clavier rapidement. D’accord. Je ne le sens pas uniquement. Je vois son reflet sur l’écran aussi.

Vergil déclare qu’il n’a jamais vu d’ordinateur comme le mien et s’enquit sur le programme que j’écris. Inquiet à l’idée qu’il puisse me « voler » mes données, je ferme mon ordi sous son nez. Heureusement, je venais juste de terminer. La Ville de Traverse est désormais enregistrée. Je débranche mon petit robot et range les deux objets technologiques dans mon sac.

« Oh ça ? Ce n’est rien d’important, juste des devoirs d’Université. »

Mensonge ou non, qu’il me croie ou pas, ça m’importe peu pour le coup. Je garde toujours mes projets secrets tant qu’ils ne sont pas achevés, comme tout Inventeur digne de ce nom. D’autant plus que si on découvre que mon jouet sert de portail interdimensionnel, il pourrait susciter les intérêts…

Coup d’œil perplexe envers le mystérieux gars. Ouais, mystérieux car au fond, je ne connais pas grand-chose sur lui. Du coup, je me demande si ses paroles sont sensées être réconfortantes ou non. Elles me mettent assez mal à l’aise, en fait, car Tadashi m’aurait à coup sûr dit la même chose s’il était encore de ce monde. Et je déteste qu’on imite mon frère. Un peu énervé, je me remets debout pendant que le type aux cheveux blancs continue de parler, voulant savoir si San Fransokyo est avancé aussi dans la médecine, le progrès génétique ou encore la magie. Je lève les yeux vers le banal Voyageur avant d’hausser les épaules.

La médecine ne m’intéresse pas. Mais je suppose que quelques Inventeurs comme mon grand frère cherchent à l’améliorer. Pour moi, il n’y a que Baymax en robot médical digne de ce nom. Quant au progrès génétique, je n’en ai pas la moindre idée. Et pourquoi ça l’intéresse tant ? Qui se préoccupe du progrès génétique ? Jamais les Inventeurs ne se serviront des habitants de San Fransokyo en guise de sujet d’expérience, jamais. Nous sommes peut-être des Intellos sur les bords, mais pas des êtres ignobles au point de sacrifier nos semblables afin d’améliorer ou de modifier notre code génétique.

Du côté de la magie… le jour où ça existera et ramènera mon frère n’est vraisemblablement pas arrivé. Ça relève totalement de la science-fiction, cette chose. La magie ne peut voir le jour qu’avec l’avancée technologique, non ? Quoique, depuis la venue de ces étranges créatures noires, je commence à douter sur la véritable existence de la magie. Mais peut-elle vaincre notre technologie à elle toute seule ? Ne peut-on pas rivaliser ? Après tout, moi, je n’ai pas besoin de magie pour me rendre dans un autre monde, la preuve. Je baisse la tête et rabats ma capuche avant de déclarer en marmonnant :

« Je ne suis pas intéressé par la médecine. Moi, je veux simplement créer des trucs déments. Et la magie, ça n’existe pas. Il ne faut pas croire en n’importe quoi. Ce sont juste des tours de passe-passe. Et si jamais elle existe dans d’autres mondes, elle ne rivalise sûrement pas avec notre technologie. »

L’espace d’un instant, je lève les yeux vers le ciel nocturne, qui me rappelle qu’on est au milieu de l’après-midi à San Fransokyo. C’est vraiment bizarre, ce décalage horaire. Et si, en réalité, il n’y en a pas et qu’il fait nuit constamment ici ? Je reporte mon attention sur le dénommé Vergil et désigne le ciel de couleur si sombre. C’est ma dernière question. Après, je n’aurai plus rien à faire avec lui, et je n’aurai plus de dette envers lui non plus.

« Il fait nuit tout le temps ici ? »

Super, un cours sur l’existence de la magie qui a choisi de peu affecter mon monde et que… ouais, non. Je n’ai pas besoin de leçon théorique pour me prouver que la magie est belle et bien réelle ailleurs. Il accompagne même son hypothèse d’un exemple en se téléportant juste devant moi. Je soupire légèrement. Sérieux ? C’est quoi cet exemple ennuyeux ? Non mais, si la magie ne peut faire que des trucs simples comme ça, elle n’a aucun intérêt. Elle baisse même dans mon estime. Même la technologie est largement plus passionnante.

Ce n’est pas pour nous vanter, mais nous aussi, on aurait pu se téléporter. Et sans magie ! Enfin, pas la peine de lui faire part du portail de téléportation de notre monde, d’autant plus qu’il est complètement détruit désormais. Puis le dénommé Vergil répond à ma question, confirmant ma supposition : certains mondes sont plongés dans l’obscurité peu importe l’heure de la journée. Notamment ceux liés aux Ténèbres, si je comprends bien ce qu’il dit. … Une seconde. Ce banal Voyageur visite plus les mondes des Ténèbres que de Lumière ? Bizarre comme logique…

Si le gars aux cheveux blancs souhaitait me faire douter sur sa véritable identité, c’est réussi. Mais je préfère éviter le sujet directement. Autant j’ai dû parfois laisser échapper quelques trucs concernant San Fransokyo, à mon plus grand regret, autant lui aussi aurait dû se méfier à ce qu’il dit. Je serre les poings, quelques Micro-robots se regroupant autour de mes mains, lorsqu’il évoque mon cœur lumineux qui pourrait attirer les êtres des Ténèbres, pas forcément pour le meilleur des choses. Un cœur lumineux, moi ? C’est marrant, je jurerai que je suis le contraire de temps à autres.

« Crois-moi, un cœur lumineux, comme tu dis, n’est pas toujours aussi lumineux qu’on le croie. Il héberge une petite part d’ombre qui, suffit qu’elle explose, et le cœur lumineux sombre aussitôt. » Et je continue sur un ton plus faible : « Parfois, je me demande même si les rejoindre ne me permettrait pas de retrouver mon frère… »

Après tout, ces créatures noires n’ont pas de cœur… elles semblent être mortes, des carcasses vides… et si elles étaient des êtres humains ou simplement des êtres vivants auparavant ? Peut-être que l’une d’entre elles s’avère être mon grand frère ! Ce n’est pas la première fois que je songe à « m’enrôler » dans les Ténèbres, juste dans l’espoir de revoir Tadashi… Mais je sais qu’il serait contre cette idée… Et puis, San Fransokyo a besoin de moi… de nous, notre équipe ! En plus, qui réparera Baymax si je disparais ? Non, je ne peux définitivement pas.

Silence. Je me contente d’écouter l’homme aux cheveux blancs. Je ne sais pas pourquoi, mais il m’énerve de plus en plus. Vraiment. Il me donne des conseils dignes de ceux d’un grand-frère. Hors, je n’ai qu’un seul grand-frère et c’est Tadashi. Je n’ai pas besoin d’un autre. Enfin, peu importe. Il a dit exactement ce que mon frère aurait dit et, malgré que ça m’agace, ça me réconforte inconsciemment. Non, pas exactement réconforter. Je ne trouve pas le mot adapté. Tant pis. Ce n’est pas comme si j’étais obligé de dire tout ce que je pense à cet inconnu.

Quelques créatures noires – juste deux en fait – apparaissent sans prévenir. Une épée tranche l’air et vient se planter dans l’un d’entre eux. L’effet de surprise provoqué par l’épée me fait sursauter et reculer d’un pas, tandis qu’un mur de Micro-robots se matérialise instantanément devant moi après le passage de l’arme. Ouais, en somme, si j’étais visé, je serais mort à l’heure qu’il est. J’ai réagi un peu tard. J’allais répliquer au Voyageur de faire un peu attention à où il lance sa lame car elle aurait pu me toucher, mais une ombre se jette également sur moi. Cette fois, au quart de tour, je songe à un mur dans mon dos pourvu de pics, me retournant au même moment.

Le Sans-cœur s’écrase sur les pics formés par des Micro-robots et disparaît dans un nuage de poussière noire. Décidément, ces choses sont agaçantes. Mais c’est étrange aussi. Je suis revenu à la lumière de la rue principale, et pourtant, il en arrive encore. Elles se cachent dans les ruelles sombres ? Elles semblent être plus nombreuses qu’à San Fransokyo, on dirait aussi. Pourtant mon Monde est un lieu neutre, comme Traverse Town. Alors pourquoi autant de monstres se matérialisent si vite ? Peut-être que c’est dû à la nuit constante de ce Monde ? Ou parce que, d’après ce qu’a dit le dénommé Vergil, les survivants des Mondes détruits se retrouvent souvent ici… Peut-être qu’en débarquant dans cette ville, ils les font venir avec eux…

Bon. De toute façon, quelle que soit la raison, rester dans cette ville devient dangereux, j’ai l’impression. Je me tourne de nouveau vers le faux albinos, ordonnant à mes Micro-robots de se réunir encore une fois et de former un Micro-robots géant à côté de moi. Tandis que je lui demande mentalement de s’incliner, je déclare à voix haute :

« Eh bien… merci pour tous… ces renseignements et encouragements. Je vais faire comme tu as dit et continuer à vivre sans mon frère. Je réaliserai son rêve en protégeant mon Monde. Ah. Avertis-moi de ta venue avant, c’est juste un conseil… Vu que la magie semble être de ton côté, tu devrais être capable de trouver un moyen de me prévenir, non ? »

Juste un conseil, oui. Après tout, depuis l’apparition des Sans-cœur à San Fransokyo, j’ai reprogrammé le Super Capteur de Baymax. Avec le scan qu’il a fait de tous les habitants, et à l’aide d’un autre programme, il est en mesure de détecter des intrus… Donc si ce Vergil ne veut pas se retrouver attaquer pour rien, mieux vaut qu’il trouve un moyen pour m’annoncer son arrivée.