Pour une fois, la curiosité ne fut pas son alliée, mais pas l’instigatrice de sa chute, de sa capture. A peine Sly avait-il posé son regard de flamme sur la cause de ce chaos ambiant régnant à Gran Pulse que l’inconscience l’accueillit. Il aurait dû s’en douter, quelle autre organisation aurait pu déchainer une telle folie aussi parfaite que la confrérie ? Mais ça, il n’eut pas vraiment le loisir d’en dialoguer avec lui-même.
Non, pour l’heure, et durant tout son transport au sein de la citadelle blanche et inquiétante, le simili était plongé dans le sommeil. Sommeil factice ou réel, pour lui qui abhorrait tant la douceur de la non-conscience, le résultat était le même. Ce monde d’apparente lumière… ignoble. Et cet autre lui au cœur battant, à la vie si peu intéressante, presque révoltante… Comment avait-il pu s’incarner en cet humain un jour ? Dans ce rêve qui n’en était jamais tout à fait un, cette ‘vraie’ lumière perçant au travers de son encore plus frêle poitrine, il ne pouvait être que spectateur de ce simulacre d’existence. Si peu intéressant, il n’avait pas de temps à perdre avec l’ignominie de ce prétendu passé de clarté. De toute façon, il le savait dans même y avoir songé une seule seconde, cela ne durerait pas. Désormais, à l’extérieur, il devait déjà exhaler cette caricature de cœur, son pouvoir calquant de façon quasi automatique ce qu’il avait sous les yeux. Et ce qu’il y avait justement, n’était autre que lui-même. Avec cette aura figée, Nox devait déjà s’être alerté de son état avancé de sommeil, et, obéissant à ce pur instinct, devait s’affairer à le faire parvenir à un état d’éveil.
Et oui, son nocturnes rouge ne le quittait tout simplement jamais, et dans cette pièce sombre où aucune lumière ne filtrait, une volute noire comme de l’encre l’éleva de ses vêtements. Sans un bruit, sans même un souffle, le sans cœur ouvrit ses yeux jaunes et perçant sur l’inconnu de l’endroit. Il n’était pas au château de Maléfique, dès lors, il devait forcement être en territoire ennemi. Mais ça, il n’en avait cure, sa seule et unique préoccupation était de réveiller son partenaire de mort. Et rien d’autre. Comme à son habitude, Nox s’élançant de multiples fois sur le corps frêle et pendant au mur froid de Sly. Une fois, deux fois, trois fois, la quatrième fut la bonne, quand, sans esquisser le moindre autre geste, il ouvrit ses yeux de sang sur les ténèbres les plus noires. Cet endroit lui semblait tellement plus accueillant que celui de ses songes… Peu à peu, il reprit connaissance de son corps. Toujours immobile, il constata ces fers glacés qui lui entravait les poignets, le liant à ce mur poisseux, il constata cette douleur vrillant sa tête et l’autre, cette courbature aux épaules lui indiquant qu’il devait être dans cette position si peu confortable depuis un certain temps déjà.
Aveugle dans ce paysage d’encre, il s’appuya sur ses autres sens. L’odorat. Il reconnaitrait cette fragrance métallique entre toutes : du sang. Frais et déjà coagulé, sans doute accompagné de l’une ou l’autre source de décomposition. Il sourit doucement. Apparemment, la confrérie l’avait déjà emmené dans une de leur suite de luxe, celle enterrée si profondément que les hurlements ne pouvaient percer jusque la surface. L’ouïe. Une autre respiration, calme, différente de la sienne, proche de sa position. Il n’était pas seul. Il essaya de projeter son pouvoir dans sa direction, de capturer l’aura de ce ‘camarade de galère’, à défaut d’imploser celle de lumière qui exhalait désormais. Mais…rien. Il ne put rien tirer de cette autre personne. Deux cas de figure s’offraient à lui dans pareille situation : soit c’était un sans-cœur, soit il s’agissait, comme lui, d’un simili. Autant dire qu’il privilégia directement cette seconde option. Bien qu’il en existait une troisième, rare, si rare qu’il écarta. Un humain dépourvu de cœur. Car son don ne faisait que copier un instantané d’aura, provenant directement du cœur. Soit, désormais parfaitement réveillé, il fit le point sur sa situation. Il avait été capturé par la confrérie et, puisqu’il jouissait toujours de sa non-vie et au vue des informations sensorielles qu’il avait sur cette pièce, ces ennemis avaient sans doute en tête de vouloir lui arracher l’une ou l’autre information. Ah, ils n’allaient pas être déçus…et ils regretteraient de l’avoir gardé en vie. Des bruits de pas résonnèrent, et Sly donna son ordre silencieux à Nox d’un regard sanglant vers le vide doré du sien : Ne pas intervenir. Quelque soit ce qui se passerait. Le nocturnes, peu habitué à ce genre d’ordre aussi clair, rechigna quelque peu, avant de, de nouveau, se fondre contre la peau blanchâtre de son partenaire. Le simili ferma alors les yeux, et replaça son masque d’inconscience sur son visage, ses sens toujours en éveil.
Quelqu’un pénétra dans la pièce, puis, une odeur de bois brulé et d’accélérant. Une douce chaleur lécha sa peau, alors qu’un spectre infrarouge tenta de percer ses paupières : Lumière et chaleur...du feu. Bois et accélérant : des torches. De quoi donner ce clair-obscur qui devait bien seoir à l’endroit. L’individu s’approcha alors de lui. Un bruit métallique. Une pression sur sa main qui, bien vite, céda en un léger flux de sang. Douleur lorsqu’il buta contre sa phalange. Douleur qu’il choisit de ne pas marquer sur son visage. Il ouvrit les yeux, les posant sur son ‘nouvel ami’, et simplement lui adressa un large sourire des plus francs. Il connaissait son véritable prénom, inutile donc, de jouer simplement les victimes. Non, ce serait une véritable guerre psychologique entre deux sociopathes, entre deux adeptes de la torture.
Mais son bourreau désigné se détourna vers son camarade d’infortune, allongé sur une table. Shadow, donc…Simili, lui aussi ? Peut-être était-il en train de lui faire passer un quelconque recrutement ? Même si à son humble avis, ce serait tout autre… D’un mouvement de levier, de lourdes décharges eurent raison du sommeil de l’autre endormi.
Doux dilemme… Est-ce qu’il tenterait par tous les moyens d’échapper à cet endroit, ou allait-il, au contraire, en profiter pour mener lui-même sa petite enquête ? Une occasion pareil, ça ne se gâche pas. Directement au cœur de la fourmilière…Que coup de pied allait il mettre dedans pour en faire sortir la moelle ?
C’est alors qu’un second individu entra dans la pièce. Un raton bien connu du simili : Aka, le prétendu touriste de Luxerion. Il savait bien qu’il travaillait pour une organisation plus importante…Quel petit menteur poilu. Il salua de sa façon bien à lui son collègue, qui entre-temps s’était paré d’un reptile, puis alla commencer sa basse besogne sur ce Shadow. Un petit jeu avec un scalpel, un grand classique, il ne pouvait qu’approuver, quel dommage qu’il gâchait la scène, et un peu la vue, avec ses vociférations d’animal. Si peu de subtilité… il lui tardait de planter son poignard dans cette gorge bavarde. Il avait osé, après tout.
Nullement impressionné par leur petit jeu, lui-même déjà passé maitre dans cette matière, il s’adressa d’un ton calme à l’assemblée.

« La confrérie, hein ? C’est bizarre, j’imaginais l’endroit un peu plus cosy » Pourquoi se cacher ? Il savait qu’il était mauvais. Il pouvait donc allègrement jouer avec eux lui aussi. « Je savais bien que tu n’étais pas assez malin pour faire cavalier seul, Aka. » Il sourit, comme si le père ‘Rand’ était revenu dans ses traits. « Tu me présentes ton ami ? Il m’a l’air si…délicieusement dérangé… »

Pouvait-on dire que le simili appréciait l’ironie incroyable qui se dégageait de cette situation ? Oui et non. Oui, c’était très amusant pour lui de voir que, pour une fois, les rôles étaient inversés. D’habitude, c’était lui était de l’autre côté de la lame, gardien des clefs des fers, détenteur de mille et une méthode pour soutirer des informations. Même si sa méthode à lui demandait plus de patience…Bien plus de patience. Et plus de psychologique aussi. Sly était des bourreaux qui aimaient s’infiltrer dans la psyché de sa victime, pour la déchiqueter, morceau par morceau, lambeau par lambeau. Détruire l’esprit de ses victimes était tellement plus efficace à ses yeux que simplement abusé de leur corps. Ne vous méprenez pas, il excellait dans les deux et adaptait ses gestes au gré de ses envies ou plutôt selon la victime qui lui faisait face. Hommes, Femmes, Enfants, Vieux, Jeunes, simples Civils ou Guerriers aguerris, tous possédaient un ‘point de rupture’ et c’était son travail de le découvrir. Quel dommage…La Confrérie semblait bien plus brute que lui. Peut-être que le temps était en leur défaveur. Mais lui, le temps, il en avait plus qu’à revendre.

Non, se faire torturer n’était jamais ‘agréable’, même s’il comptait bien gâcher un maximum le plaisir de son ‘nouvel ami’ dérangé. Il le voyait dans son regard malsain et sombre. Lui, adorait véritablement ce qu’il faisait. Il devait être de ceux appréciant simplement le spectacle de la douleur qui marque les traits et déforme les visages. Parfait…Parfait…Les gens de son espèce était si instable qu’il ne suffisait que d’une légère poussée pour les faire s’écrouler. Oh, et son très cher Aka, ce raton dont il ne tarderait pas à répandre sur ce sol sale organes et autres substances corporelles… Lui s’occupait de son infortuné camarade lié sur la table. À voir le comportement de ce dernier, il se disait qu’il allait avoir du mal à lui arracher de quelconques aveux. L’animal semblait aussi ne pas très bien s’entendre avec la « diva » comme il le disait si bien. Bien…Bien… Le simili enregistra l’information.

A sa simple demande de présentation, aucun des deux ne répondit comme il l’aurait souhaité. Juste son bourreau, continuant son petit manège qui seyait si bien à sa dégaine, s’approcha de lui. A ses menaces de miel, il y répondit par ce large sourire qui n’avait pas quitté son visage. Ses paroles n’auraient aucun effet sur lui. Il avait beau vouloir distiller la peur dans son être, ses tentatives resteraient vaines. Simple perte de temps. Il était tout bonnement impossible d’étreindre son être d’effrois… car pour cela, il aurait fallu qu’il ressente quelque chose. En arrière-plan, on pouvait entendre les répliques piquantes lancées par son compagnon de torture…Shadow, s’il avait bien entendu. Pour sûr, ce sale rat aurait du fil à retordre avec une victime de ce calibre. Temps…et argent ? Pourquoi ce besoin de le préciser ? D’user cette expression très humaine au final. Il ne savait pas très bien quoi en faire, mais…Il enregistra l’information.

Froid… Le corps de ce reptile était froid sur la peau délicate de son cou. Un tour, deux tours, il s’enroula autour de lui, se redressant ensuite pour le menacer de ses crocs d’où perlaient déjà un venin. Torturer par le biais d’un animal. Exotique, certes, mais il y avait une certaine efficacité dans sa méthode. Le serpent était dans la catégorie « peur primale », celle dont les humains ne peuvent vraiment se détacher complètement. Enfin, à quelques exceptions près. Car son bourreau avait l’air d’apprécier sa bestiole, de l’avoir même dressée… Sly enregistra l’information. Un claquement de doigt, et la bête commença son œuvre. Perçant sa peau au travers ses vêtements pour répandre son poison dans ses veines. Si les morsures étaient bien peu pour lui, il se doutait bien que ce qui suivrait serait… douloureux. Douloureux, mais pas mortel. Ils étaient là pour la ‘discussion’ après tout et aussi pour assouvir les besoins de ce détraqué qu’il avait en guise de bourreau. Celui-ci, d’un geste vif, arracha sa manche pour voir suinter son sang hors de ses blessures. Ah…sa tenue…Il allait devoir en réclamer une autre auprès de Maléfique, quand il rentrerait. C’est qu’il n’avait pas uniquement arraché la couture…

Une lame, sa main intacte, la suite, il la connaissait. La suite, il la subit il nouvelle fois. La « Diva de la torture » -décidemment, ce surnom lui allait comme un gant- lui transperça la main, lentement…très lentement…Se délectant de ce petit craquement sourd lorsque l’os céda enfin sous la pression. Il avait tellement l’air de s’amuser, qu’est-ce que ce serait quand une noire colère remplacerait cet air de satisfaction qui se lisait sur la craie de son visage ? Car que ce soit les morsures –dont les plaies commençaient à chauffer, signe que son organisme s’enflammait- ou cette lame sur sa peau, il en réagit simplement, par ce sourire. Ce sourire qui dans un contexte de lumière pouvait s’apparenter à de l’amusement. Ce sourire qui dans ce contexte de ténèbres ne reflétait que le fait qu’il avait bien décidé de rendre cette séance le plus désagréable possible pour l’instable humain. Oh mal, oui, il avait mal, il n’était pas insensible à la douleur, juste hautement habitué. Que ce soit en compagnie de Maléfique qui, elle, possédait un feu malade bien plus douloureux que celui qui se répandait dans son corps,  ou… ‘Avant’, bien avant, il avait eu tout le loisir d’habituer son corps à ces légers désagréments. Une idée émergea dans son esprit, une idée qui le réjouit intérieurement. Lentement, très lentement, il reprit la maitrise des ténèbres qui hantait son organisme. Il avait juste besoin de quelques instants pour exécuter son plan. Et c’est ce que la diva lui donna.

« Oui, je suis sûr que Weiss et moi, on va devenir très proche. »

Et son bourreau s’éloigna, non sans ordonner à sa bête de le mordre encore. Ou plutôt, il fit l’erreur de lui tourner le dos, certes pour préparer la suite des festivités –comme si il n’avait pas remarqué cet amoncellent d’instruments- mais c’était quand même une erreur. Ainsi, il avait même nommé ce serpent ? Ah ! Ces possesseurs de cœur étaient d’un ridicule… Alors que ‘Weiss’ frappait, une fois, deux fois, à la troisième, Sly fit suinter de ses plaies des ténèbres à l’état brut qu’il enfonça sans ménagement dans la gorge de l’infortuné animal. Et… Rien. Pour le moment du moins. Et quand son nouvel ami revint vers lui, c’était comme si rien ne s’était passé. Il faut dire qu’il avait un contrôle fin et précis de son pouvoir de l’ombre et ce lieu exhalait les ténèbres si fortement que son intervention avait dû passer inaperçu. D’un geste de son maitre, le reptile resserra son emprise autour de son cou, encore, encore et encore, jusqu’au point où, même lui, ressentit le besoin pressant de respirer. Alors que sa vision périphérique se brouillait de plus en plus, sa gorge fut désentravée et il put inspirer profondément. 

« Oh ? Déjà ? On commençait seulement à s’entendre tous les deux… »

Petit à petit, il sentait ce poison insidieux s’attaquer à son système en entier. Mal. Oui ça faisait extrêmement mal, il n’avait pas menti sur ce point. Tout son corps lui semblait en feu et même temps percé d’innombrables petits trous. Qu’est-ce que ça aurait donné s’il avait été humain… et non habitué aux poisons ? Oh, des hurlements sans doute. Des cris de douleur qui auraient résonnés dans la pièce avant de se perdre dans l’immensité de la citadelle. Mais… Non. Certes, sa température corporelle augmentait –il n’avait pas d’emprise sur ce genre de fonction purement biologique-, mais cette douleur ne lui arracha pas la moindre petite plainte. La suite serait sans doute pire. Qu’importe, il ne lui donnerait pas la satisfaction qu’il recherchait.

L’humain désigné pour sa torture personnelle récupéra son bien, qu’il replaça dans sa cage de verre. Une seconde, deux secondes… à peine avait-il refermé l’enclos que le reptile implosa en un petit « Plac » sonore et très peu ragoutant, souillant l’intérieur de sang, de bile, d’organes et surtout…de ténèbres. Il aimait ce genre de provocation. Et son sourire de lumière se transforma en un autre, de pure malice.

« On dirait bien que Weiss va avoir besoin d’un remplaçant… J’espère que tu n’y tenais pas trop. » Clairement, il se foutait de lui et il faisait que commencer, même. Comme pour soulager ses courbatures, il étira son cou sur les côtés. « Ecoute, ce n’est pas que je vous aime pas, vous autres de la Confrérie, mais tu n’as pas l’impression que ce que tu fais est…contre-productif ? » Il continua sur sa lancée. « Oui, je sais que tu aimes bien te défouler sur tes victimes, et c’est louable, mais ce ne serait pas mieux de joindre l’utile à l’agréable en torturant…je ne sais pas… » Il fit mine de réfléchir « Ah oui ! Un gardien, peut-être ? » Totalement, on avait l’impression qu’il remettait en doute son intelligence, et ce n’était pas fini. « Note, si tu traînes avec le Raton, c’est que tu dois n’être qu’une espèce de pion, loin des décisions importantes. » Il soupira. « Tant pis, j’attendrais qu’un de tes maîtres se montre, mais si tu pouvais les appeler, ça m’arrangerait. »

Masque placide et souriant, corps surchauffant et déjà perclus de douleurs insidieuses dus aux poisons, on ne pouvait pas dire que Sly passait un fort agréable moment. Du moins, physiquement. Car, il s’amusait bien en réalité. Le sourire rieur collé sur son visage juvénile, une attitude plus que provocatrice, tout était bon pour tester les limites de cette chère diva. Il avait rarement l’occasion de trouver un adversaire à sa mesure, aussi dérangé que lui, aussi imaginatif surtout. Même s’ils ne possédaient pas les mêmes méthodes, même si le simili préférait jouer sur le tableau psychologique plutôt que de vulgairement s’attaquer au corps, même s’il ne rechignait jamais à le faire quand nécessaire, il devait bien reconnaitre un certain talent chez son bourreau… Quel dommage qu’il soit un ennemi, il ferait des merveilles dans les donjons sombres et sales de sa maîtresse. Où allait-il devoir appuyer pour faire réagir son interlocuteur si peu généreux en information ? Doux et délicieux jeu qui avait le don d’intéresser le jeune homme plus que de raison, surtout lorsque la difficulté était plus élevée…enfin, jusqu’à ce qu’il trouve plus autre chose à faire.

Malheureusement pour lui, l’option de s’attaquer au serpent ne fut pas la bonne et l’homme de la confrérie ne s’en offusqua pas plus que ça. Dommage… au moins, il eut plusieurs informations à retirer. Il n’était pas vraiment facile à faire sortir de ses gonds, un peu comme lui, en fait, puisque ni s’attaquer à son animal de compagnie, ni le rabaisser verbalement n’avait eu d’effet. Généralement, les humains réagissaient au quart de tour sur ça, ne fusse qu’un léger rictus de dégout, ou une parole plus blessante…mais non, pas lui. Intéressant…quel genre de bestiole dérangée la confrérie avait choisi pour lui soutirer les plans de son cerveau ? Puis… il avait vraiment pas mal d’imagination en matière de torture. S’emparant des organes de l’infortuné animal, s’emparant sans aucune douceur de sa mâchoire, il le força à ouvrir la bouche, ce qu’il fit sans trop rechigner, au final, pour lui faire ingurgiter les restes sanguinolents. Il maintint sa tête relevée en arrière pour l’obliger à avaler, au risque de l’étouffer. Sans perdre son sourire, sans décrocher son regard carmin et moqueur de l’obscurité du sien, Sly mâcha consciencieusement avant d’envoyer le tout rejoindre son estomac. Puis, il tira la langue et ouvrit légèrement la bouche, comme un patient psychiatrique face à son surveillant et fournisseur de médicaments, pour lui prouver qu’il ne restait plus rien dans sa bouche.

Le simili détestait manger, ou plutôt, il n’en voyait pas l’utilité. Il n’en retirait aucun plaisir, pas plus que du dégoût d’ailleurs et ne s’autorisait à avaler que ce qu’il avait lui-même préparer en règle générale. Le goût n’était pas un sens à privilégier pour ses missions, de toute façon, il pouvait dès lors très largement se passer de ça dans son existence. Que ce soit les mets des plus fins ou des plus grossiers, cela ne faisait aucune différence pour lui.

La « diva » s’empara alors des derniers restes d’organes du reptile malchanceux, auquel il ajouta un ingrédient de choix : quelques morceaux de verres ramassés et provenant du couvercle de verre de la cage souillée. Ah… sûr…ça n’allait pas être agréable…mais quoiqu’il lui offrirait, quoi qu’il tenterait, il garderait toujours son attitude de petit diable. Gâcher son plaisir était un délice de chaque instant, même s’il le lui avait pas encore montré le moindre ressenti face à son attitude. Encore une étrangeté… qu’il pourrait admettre d’un simili, moins d’un humain.

Curieux pour curieux, autant aller chercher les informations à la source, puisqu’il ne semblait pas vouloir lui en fournir verbalement. Le sbire de Maléfique implosa son aura de lumière impie et partis en quête de capter celle de son bourreau. Alors qu’il accueillait le met suivant sans rechignait, sentant le goût mêlé à son propre sang, sentant la matière inorganique coupante s’enfoncer dans ses chairs, blesser un peu plus à chaque instant, laissant s’échapper sa substance vitale, les yeux toujours plongés dans les siens, son air de défi bien marqué, il projeta son don, à la recherche d’une copie de son cœur.

Une fois encore, il mâcha consciencieusement, le sourire aux lèvres qui commencèrent à laisser s’échapper un filet de sang bien frais. Mal…bien sûr qu’il avait mal…surtout qu’avec le temps passant, le poison du serpent surchauffait ses fonctions, perçait sa peau, ses os, ses organes… il n’était pas insensible à la douleur, il avait juste pris l’habitude de la marquer sur ses traits que lorsqu’il en voyait l’utilité. Mais sa peau était brûlante, tous comme ses poumons et son cœur s’emballait en réponse à l’intrusion extérieure. Fonctions purement biologiques qu’il ne pouvait maitriser.

Puis, il avala, ignorant sciemment le fait que l’un de ces morceaux tranchant pourrait très bien lui percer l’œsophage, l’estomac, voir même les intestins, répandant ainsi bile et suc gastrique en internet…pour une joyeuse autodigestion. Plus que ces sensations de douleurs, il se concentra sur son objectif, voler la copie du cœur de cet individus. Mais, quelque chose était…étrange, très étrange. Oui, il exhalait bien une aura, sombre, ténébreuse, dérangée et dérangeante…Un peu ce que lui-même aurait pu produire s’il avait eu un cœur, mais ce n’était pas aussi « fort » que d’habitude, un peu comme si il décelait une certaine « distance » entre le corps et le cœur de la diva. Il n’avait encore jamais rencontré pareille chose et pourtant, il usait de son don à tout va, dès qu’il en avait l’occasion. L’homme de la confrérie était bien humain, et non un simili, ce n’était pas la même sensation, mais un bien étrange humain. Il enregistra cette information.

Son bourreau partit s’appuyer sur la table qu’il avait préalablement avancée et bardée d’instruments en tout genre, demandant innocemment s’il pourrait garder cette prétendue nourriture en lui…sachant pertinemment qu’en cas de réponse négative, il aurait dès lors une excuse toute trouvée pour tester son lourd fouet de cuir. Simplement, il continua à sourire et, quand il ouvrit la bouche pour lui répondre, une volute de pures ténèbres s’en échappa… Il avait l’obscurité dans le sang…littéralement.

« Absolument pas…Et toi ? Toujours aucune envie de me questionner ? »

Ah ! Quel idiot… Pourquoi avoir rapproché ainsi cette table ? Un excès de confiance peut-être…à moins qu’il ne le croyait plus capable de mouvoir le bas de son corps, paralysé par des heures et des heures d’inconscience ou par le poison, au choix. Dire qu’il n’avait même pas entravé ses jambes. En un même mouvement, sans se décrocher de son visage, il décolla son dos de la paroi froide, les chaines étaient relativement courtes, mais existantes, lui donnant une certaines amplitude de mouvement, puis étira sa jambe au maximum pour buter dans le pied de la table le plus proche de lui, y mettant assez de force –un peu aidé de ses ténèbres pour renforcer ses muscles- pour la renverser, elle et tout le joli petit monde qui se reposait dessus, dans un beau fracas de métal et de verre, tranchant avec le calme angoissant du lieu.

Ça ne servait à rien, il n’était pas plus libre et d’ailleurs, son forfait accompli, il reprit sa position initiale, mais ça défoulait un peu. Ceci fait, il reprit la parole.

« Je m’en charge alors. » C’était comme si rien ne s’était passé pour lui, comme s’il se fichait des conséquences de son geste ou de ses mots. Puisque l’homme ne semblait pas vouloir lui en apprendre plus sur ses maîtres ou sur le pourquoi de sa présence ici, à part pour la plaisir de la torture, évidemment, il attaquerait sur un autre sujet. Douce curiosité… On dirait bien que l’humain blafard avait capté la sienne. Malheureusement pour lui. « Dis-moi mon cher humain… Où as-tu planqué ton cœur ? » Il avait le ton d’un père réprimandant doucement un enfant. Il n’avait aucune preuve de ce qu’il avançait, à part cette impression de « distance » entre la noirceur de son cœur et son corps… Trop étrange pour être ignoré. « On dirait bien que ta poitrine est presque aussi creuse que celle de mon camarade sur la table… »