Un monde sans soleil. Où la noirceur est présente comme de la neige en hiver. Les mondes des Ténèbres ont cette particularité, cette envie de faire mourir la vie en l’étouffant. Ce monde n’a rien à envier des autres de son espèce. Les gens vivent mais sur leur visage, je ne vois que de la survie. Une existence à courber le dos et à pleurer des temps lointains. Se souvenir de ce qu’avait pu être cette ville avant la descente aux enfers. Les yeux des vivants sont ternes et sans espoirs.

Je suis arrivée ici il y a de cela deux jours. Prenant une chambre dans une auberge, j’ai été surprise de l’accueil glacial dont j'ai eu droit. Ils n’ont pas l’air d’avoir des visiteurs tout le temps… En y pensant, ce n’est pas étonnant, ce monde-là est plus éloigné que les autres, bien plus que je ne l’avais imaginé. J’ai dû faire des haltes pour Hadès. Bien qu’il soit mort, la traversé des mondes peut lui faire du mal. Plus sur son enveloppe charnelle qu’autre chose. Mais finalement, j’y suis arrivée et j’ai dû cacher mon ami à plume en aval des grandes portes de la cité. Couché sur l’herbe et caché par des branches, j’ai pris soin de le dissimuler à la vue de tout le monde. Il est bien sûr inoffensif mais complètement mort. Je sais très bien les réactions des gens face à lui, du coup, j’anticipe pour son bien.

Je suis remontée juste après pour me présenter aux portes, les gardes ne font pas plus attention que ça au monde qui passe. Ils sont comme vidés de l’intérieur… Portant une main à ma poche, je sens le papier se froisser à ce contact. Il émet un léger bruit et je fronce les sourcils pour m’engouffrer dans la rue principale. Mine de rien, en deux jours, je n'ai pas encore réussit à faire le tour de la ville et des alentours ! Du coup, comme à chaque fois, j'entre dans la seule du coin. L’atmosphère y est assez pesante, pas à cause de celle de l’extérieur mais disons qu’avec l’alcool et le reste des choses qui font d’une taverne un lieu de beuverie, je me sens plus mal à l’aise que jamais. En jouant des bras, j’arrive à prendre place dans un petit coin de la salle. Fouillant mon manteau, je sors donc se fameux papier pour le lire pour la quatrième fois.

À vrai dire, je ne connais pas vraiment celui qui me l’a envoyé. La première fois que je l’ai rencontré c’était pendant une escapade de ma part. Il est gardien, je suis princesse. Ni l’un ni l’autre n’a de personne sur qui protéger ou compter. Du coup, il m’avait proposé d’être mon gardien. La première fois, j’en ai ris. Il n’avait pas l’air sérieux à vrai dire. Du coup, j’ai abandonné l’idée. Mais depuis maintenant plusieurs semaines, ce papier me hante. Il n’y a pas beaucoup de chose écrite dessus. Juste un bref passage pour me saluer puis il me demande de venir sans tarder à Vandaaer. Un monde situé chez les Ténèbres. Autant dire que venant  d’un gardien, cette requête me parut assez étrange et pourtant, me voilà. Assise bien sagement à attendre un signe…

Ce fameux signe ne prend pas longtemps à mettre envoyé. C’est même Hadès qui me le donne. Me redressant comme si une mouche m’avait piqué, je sors de la taverne puis de la ville pour me mettre à courir comme une folle vers les quais. Je suis plus les « sensations » de mon griffon que les miennes. Je ne fais pas attention à ce que mes yeux voient et finalement, arrivé au-dessus d’une petite crête, je tombe sur un mastodonte en écailles. Je descends comme je peux, en évitant de glisser et m’approche de lui.

- Atlas !

Je ne me sens que très peu à l’aise, ici-bas, dans ce monde et parmi ses habitants consumés par les ténèbres jusqu’à la moelle de leurs os. Ils font grande peine à voir. Et moi, sculpture vivante faite d’écailles et de chaires, je fais de mon mieux pour errer ici-bas sans pour autant effrayer les badauds. Ce n’est guère mon but. En vérité, je poursuis une quête toute autre. J’attends ici la venue de Malia. Elle est une princesse de cœur et plus précisément, celle au service duquel je me suis associé. Mes intentions sont désormais de veiller à sa sécurité. Quo ide plus logique, après tout ? Il n’y a rien que je puisse faire d’autre afin de lutter contre les ténèbres en attendant de trouver une solution pour mon monde.

Aaaah… Que mon univers natal me manque… Mais je ne peux faire demi-tour. Pas maintenant. Je dois avant tout veiller à ce que l’obscurité de mette pas la main ni les griffes sur cette demoiselle. Peut-être que la destinée même des mondes est détenue dans sa survie. Il est déjà adhérant que personne ne soit venu la protéger plus tôt mais soit, maintenant que je suis là pour corriger cette lacune, je ne suis pas enclin à tout détruire. Rencontrer cette Malia une première fois ne veut pas chose simple alors autant me faciliter les choses, cette fois.

Finalement, alors que je ne m’y attendais point, voici l’objet de ma protection qui déboule comme un éclair. J’incline la tête de manière respectueuse avant de poursuivre.

« Malia. Bien le bonsoir. Avez-vous fait bon voyage ? »

Je me devais également de veiller à son confort de vie, puisque j’étais supposé la protéger à partir de maintenant. Le rôle d’un gardien est, au final, bien plus vaste que ce que j’aurais imaginé autrement.

J’évite assez les mondes de ténèbres, sauf pour aller rendre visite à Sally. Sinon, il est vrai que ce genre d’endroit n’est pas vraiment recommandé pour des Princesses de Cœurs. On peut très vite tomber sur des membres de la Confrérie ou des Sans-Cœurs. Pourtant, entre la peur et la confiance, je suis prise par l’envie de savoir. De ce fait, j’attends ainsi un gardien dragonique depuis quelques jours dans une ville et un monde inconnus. Pas de panique ! Mise à part la tête des habitants, ils ont l’air tout à fait charmant ! Quoi qu’un peu austère face au nouveau venu.

C’est donc avec l’estomac en vrac que je visite la ville de long en large et en travers. J’attends patiemment la venue d’Atlas, ce gardien qui m’a proposé de devenir mon bouclier. J’ai hésité à vrai dire. Avec mon caractère et mon pouvoir, j’ai peur de devenir un calvaire pour lui. Mais sa détermination est sans faille ! Pourtant je ne sais pas en détail pourquoi…

Face à moi, le reptile-homme est toujours profondément respectueux. Sans doute à cause de mon sang de Princesse. Pourtant, je n’aime pas vraiment qu’on me regarde comme une chose sans défense… Pour me rassurer sur la chose, je caresse mon arc à poulie présent dans mon dos. Je lâche un léger sourire avant de plonger mon regard dans celui d’Atlas qui vient juste de me remarquer et me saluer,

- Un peu perturbant à cause de votre demande. Qu’est-ce qu’on fait là ? Pourquoi vous m’avez demandé de venir dans un monde de Ténèbres ? Surtout, pourquoi ce monde-là ? Et… je m’arrête en remarquant mon impolitesse. Oh excusez-moi… Vous avez fait bon voyage vous ?

Ma hâte de tout savoir dans la minute à juste le don de me faire oublier que j’ai en face de moi quelqu’un qui a aussi des besoins et des sentiments. Dans un geste, je passe ma main derrière ma tête en calmant ma hâte. C’est juste que les mots écrits sur sa lettre me hantent encore. De plus, il n’avait pas eu envie de m’en dire plus. Ce qui était compréhensible dans un sens mais complètement stressant dans l’autre. Dans un soupir, je prends place sur un rocher près de nous et lève le nez vers le gardien.

- Pour un rendez-vous romantique, il y a d’autres lieux plus adéquats !

Trait humoristique pour bien faire passer la gêne de me retrouver dans un lieu comme lui. En soi, le monde pourrait être magnifique, si la Lumière voulait bien pointer ses rayons par ici et que je ne me sentais pas aussi comprimée. L’envie de faire passer mon mal est très peu recherché. Je sais très bien qu’Atlas aime et aimera toujours sa femme. C’était juste pour détendre la mauvaise atmosphère que je donne avec ma peur.

J’étais au moins rassuré quant au fait que la jeune femme n’avait rencontrée aucune difficulté majeure durant ses péripéties pour venir me rejoindre. C’était une bonne chose ; une très bonne chose, même. Ceci étant dit, il est par ailleurs des plus évident que je n’ai pas fait tout ce voyage dans le seul but de bavasser sur les bonnes conditions de voyages d’untel et untelle. Sans plus attendre, donc, je me redresse afin de toiser la jeune femme du regard. Ai-je fais le bon choix dans ma sélection ? Hum, je le saurais probablement bien assez tôt.

« Mon voyage fut confortable, merci de vous en inquiétez. Si je vous ai fait venir ici, cependant, c’est avant tout pour évaluer notre coordination. En effet, si je dois être votre gardien et vous la princesse que je me dois de protéger, notre symbiose se doit d’être quasi-parfaite. J’ai donc choisi ce monde infesté par les ténèbres afin de mettre à l’épreuve nos qualités combattives en binôme. De plus, j’ai ouïe dire que la princesse de ce royaume avait disparue il y a très longtemps. Si jamais nous pouvions la retrouver, cela ferait d’une pierre deux coups, ne pensez-vous pas ? »

Il est vrai que j’avais réfléchis à énormément de détails avant de venir me poser ici. Mais au plus les difficultés rencontrées seraient grandes et au plus notre synchronisation serait puissante. C’est, tout du moins, ainsi que j’ai toujours vu les choses.

Cet homme a le don de dégager quelque chose d’impressionnant rien qu’en te regardant. À moins que ce soit moi qui suis facilement sensible. Mais il faut avouer qu’il a un certain charisme rien qu’en t’adressant la parole. Sans doute est-ce que sa race y est pour quelque chose. Mais très vite, ses bonnes manières s’envolent presque et je sens ma salive se coincer dans ma gorge lorsqu’il fixe. Il prend donc la parole pour me donner l’état de son voyage avant d’enchainer sur la raison de notre présence ici. M’évaluer ? J’ai l’impression de que si je fais mal quelque chose, il va se retourner et partir d’ici. Dans un sourire pour ne pas perdre contenance, je continue de l’écouter attentivement jusqu’à ce qu’il me parle de ce monde et surtout de la princesse. Je prends une mine surprise avant de l’entendre me poser une question. Je hoche la tête,

- Merveilleux programme ! Mais si je rate votre épreuve ? Il se passera quoi au juste ?

Que je ne sois pas prise au dépourvu. Après tout, Atlas a l’air d’être un homme plein de surprise quoi qu’un peu froid à certains moments quand même. Mine de rien, j’ai un peu peur de le décevoir qu’une manière ou d’une autre. Il impose tout de même le respect. Mais plus je le regarde et plus je me dis qu’il mériterait mieux princesse à protéger…

- On commence quand et vous comptez nous faire commencer par quoi ?

Autant qu'il me prévienne un peu avant de foncer. Après tout, j'ai beau être équipé de ma tenue de voyage un peu légère mais un combat rapproché avec de forts adversaires et je peux tirer un trait sur ma vie...