Sur cette plage de sable noir, dans ce monde interdit aux affiliés de la lumière, éclairé par le seul éclat blafard et dérangeant de ce pâle soleil blanc, presque irréel, Sly attendait, les yeux dans le vide. Là, assis sur ce sol instable, les jambes croisées et le dos bien droit, il contemplait ce spectacle calme, répétitif, hypnotisant. Inspirant, expirant régulièrement, au rythme des vagues, il contemplait le roulement de l’eau s’étalant mollement contre la berge, il contemplait cet astre morne, semblant pourtant s’éteindre à chaque instant, qui tentait de percer l’épaisse couche de brume obscure recouvrant cet océan infini. Ses yeux rouges fixés sur l’immensité, il était rare de le voir ainsi…aussi calme, aussi inactif… presque apaisé ? Du moins, c’est l’impression que cette scène insolite donnait.
Dans cet endroit, dans ce repaire des ténèbres, lieux de rencontre des gens de son espèce, il n’y avait littéralement personne. Il n’y aurait jamais personne. Au mieux juste quelques fous de passage, ou alors, un individu égaré, coincé, qui ne pourrait plus qu’attendre la mort, qu’attendre que les ténèbres viennent l’embrasser. Ici, plus que nulle part ailleurs, il ne risquait rien. L’endroit était presque comme un secret, cette côte ne menant nulle part était inconnue du plus grand nombre. Lui, l’avait découvert un peu par hasard, il y a combien de temps ? Deux jours ? Deux semaines ? Deux mois ? Deux ans ? Deux décennies ? Il ne saurait le dire. Il était juste tombé dessus et, sans qu’il sache vraiment pourquoi, il y revenait. Peut-être trouvait-il un certain réconfort ? Un certain apaisement dans cet univers qui semblait si bien refléter le néant qui occupait les abominations de son engeance.
Ici, il n’y avait personne, le lieu était calme, inchangé, emplis d’une quiétude éternelle, d’un vide angoissant et oppressant pour les possesseurs de cœurs. Était-ce pour ça qu’il s’y était attardé ? Dans sa vie à cent à l’heure, il n’avait jamais, jamais le temps de ne rien faire, de se reposer, juste, de se poser…Dans sa vie à cent à l’heure, celle qu’il avait choisie, celle qu’il s’était construite, il ne pouvait se reposer, puisque rien ne devait lui échapper. Rien ne devait jamais échapper à sa vigilance malsaine. Sans doute venait-il ici pour remettre ses idées en place, n’est-ce pas ? Du moins, c’est l’impression qu’il donnait. Près de lui, Nox, son Nocturnes rouge, flottait mollement. Sans se hâter, il vint se blottir contre son cou, venant chercher un peu d’affection. Le simili le gratifia distraitement de douces caresses, sans décrocher son regard de ce spectacle récurrent. Depuis combien de temps était-il ici ? Une minute ? Une heure ? Un jour ? Une semaine ? Il ne saurait le dire, il ne savait jamais le dire. Assis, là, ne dégageant rien, ne dégageant aucun simulacre d’aura, l’œil spectateur aurait même du mal à croire qu’il y avait quelqu’un dans ce corps, qu’il ne s’agissait pas juste d’un patin de chair, sans rien à l’intérieur, attendant les ordres. C’est l’impression qu’il donnait.
C’est l’impression qu’il voulait donner.
Car intérieurement, il abordait toujours ce sourire, ce sourire étiré et inquiétant. Intérieurement, il n’était pas aussi calme, pas aussi serein, son cerveau carburant, échafaudant, testant d’innombrables et d’innombrables plans, encore et toujours. Il n’avait pas besoin de se reposer, il n’en voyait même pas la nécessité, d’ailleurs. Lui qui n’avait aucune notion du temps qui passe ne semblait pas du genre à aimer en perdre, surtout quand la masse de travail est si importante et que lui était si seul pour l’abattre. Puisqu’il n’avait presque pas besoin de dormir, puisqu’il se nourrissait très mal, quand il se souvenait qu’il devait bien manger de temps en temps, alors il pouvait consacrer tout son temps, toute son existence à Maléfique et à ses noirs dessins. Alors que faisait-il sur cette plage, feignant la tranquillité ? Il attendait, tout simplement. Il attendait l’un de ses…collaborateurs. Ce lieu était l’endroit idéal pour rencontrer et discuter de sujets sensibles, pour assigner des missions à d’autres sbires inférieurs. Des missions que ses sans cœurs ne pouvaient accomplir, des missions qu’il n’avait pas le temps de réaliser lui-même, des missions qu’il ne pouvait confier à un incapable tel que Pat Hibulaire. Et puisque les alliés de sa Déesse se réduisaient comme peau de chagrin, Sly s’était résolu à faire appel à divers mercenaires, ou à certains citoyens des ténèbres. Si les uns demandaient souvent payements contre des informations, les motivations des autres étaient généralement bien plus…personnelles. Affiliés des ténèbres ou de la lumière, peut importait pour lui…dès que son interlocuteur avait le malheur de vouloir remplir ses ambitions personnelles, il s’engluait, il s’engluait inexorablement dans la toile de ses mensonges.
Il n’était pas rare qu’il adopte cette attitude de faiblesse, de vulnérabilité, quasiment de victime, quand il devait en rencontrer un. Faisant semblant de se faire surprendre, simulant la terreur, simulant l’horreur, simulant les abus, il se mettait volontairement en situation d’infériorité, les forçant quelque part à baisser la garde. Souvent, ils tombaient littéralement dans le panneau, pensant n’avoir à faire qu’à un messager quelconque, un gamin forcé et contraint qui ne pourrait jamais leur causer le moindre tort. Quelle erreur, quelle douce et terrible erreur…
Mais aujourd’hui, c’était différent, il était en retard. Ce n’était pas normal. Quelque chose n’allait pas. Bien qu’extérieurement, il ne laissait rien paraitre, quelque chose perturbait le simili. Son contact était en retard, il n’était jamais en retard, sauf aujourd’hui. Comment le savait-il ? Nox, simplement Nox. Du coin de l’œil, il l’avait vu, il l’avait ressenti. Il s’ennuyait profondément, c’était le signe que le temps alloué était dépassé. Ce n’était pas normal, il avait toujours été d’une ponctualité exemplaire. Sly soupira. Il avait besoin de ces informations, il avait assigné une mission de surveillance de l’une des princesses de cœur à cet humain. Il allait devoir s’assurer que son…collaborateur n’ai pas décidé d’aller voir la concurrence, même s’il en doutait fortement.
Il finit donc par se lever, époussetant son pantalon. D’un geste faussement nonchalant, trahissant une certaine exaspération, il ouvrit un portail des ténèbres et s’y engouffra.
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Dans cet environnement urbain au ciel éternellement nocturne, au ciel noir comme l’encre où brillait dans le lointain l’astre impie, symbole même du combat de ses ennemis si semblables et pourtant si différents de lui, une volute sombre fit son apparition et un jeune homme blond en sorti. Ici, c’était un spectacle tristement courant. Ici, dans ce monde tombé aux mains des ténèbres depuis une éternité, le simili n’avait pas à dissimuler sa vraie nature, à dissimuler ses véritables intentions. Pourtant, il le faisait quand même, se sachant pertinemment en plein territoire hostile. Ici, tous savant ou du moins se doutait, que son objectif final ne pouvait que servir la gloire des ténèbres les plus noires, mais personne, personne ne devait savoir qui tirait les ficelles de ce plan. Personne ne devait savoir à qui il avait voué son existence. La pluie tombant dru, il rabattit sa capuche sur sa tête, permettant à Nox de se réfugier à l’abri de cette maudite eau, sans pour autant se fondre dans l’ombre.
Le simili regarda tout autour de lui, puis fixa son regard sur un seul et unique immeuble. Il n’était pas bien différent des autres, il ne s’agissait que de l’une des innombrables tours claires-obscures mais celle-ci en particulier, il la connaissait. Sans perdre son temps à vérifier si on l’observait ou pas, il pénétra dans l’édifice, grimpant calmement les étages, avant de s’arrêter face à la porte de l’un des appartements. Il fit mine de frapper, mais la porte entrebâillée, n’était même pas fermée. Encore quelque chose d’inhabituel quand on connaissait un tant soit peu la personne qu’il cherchait. Il entra, balayant du regard la pièce où il se trouvait. Vide. Personne. Ce n’était pas normal… Si lui n’était pas là, il pouvait encore le comprendre…mais pourquoi Elle n’était pas là ? Ce n’était pas normal. Il savait. Il savait que son contact ne vivait pas seul ici.
Il savait qu’il avait une espèce de famille, une sœur, si ses souvenirs étaient exactes, une sœur dont il contrôlait le moindre aspect de la vie. A l’une ou l’autre occasion, Sly avait pu l’entrapercevoir, sans jamais pouvoir lui parler. Elle ne sortait pourtant jamais et cette porte ouverte…ce n’était pas normal. Une fois encore, il soupira, passant une main dans ses cheveux…il avait besoin de ces informations sensibles. Et puisque qu’Aki était introuvable, il allait devoir se mettre à la recherche de sa sœur, même s’il doutait qu’elle soit d’une quelconque utilité, au vu du regard morne qu’elle arborait en permanence.
Ressortant de l’immeuble, il en appela à la multitude d’Ombres tapit, leur donnant ses directives silencieuses. Il savait. Il savait que si elle était encore en vie, elle devait être dans cette ville, pas très loin. Sous cette pluie, il attendit deux minutes, trois minutes, les premières sentinelles revinrent, un rapport plus que satisfaisant à lui faire. Il s’engouffra sans hésitation dans le dédale de ruelles de la ville inquiétante, suivant du coin de l’œil ses guides des ténèbres.
Puis, il la trouva, sa silhouette gracile de poupée se découpant de cette rue déserte. Il la trouva, là, immobile, trempée, contemplant l’astre de cœur, comme si il pouvait lui dire tous ses secrets. Elle semblait si seule, si fragile, sans défense…elle ressemblait tellement à ces petites filles qui peuplait les mondes de lumières, naïve, frêle,… mais à cette simple différence que son cœur, presque vide, n’exhalait que les plus noires ténèbres. Il sourit. Si elle détestait autant la lumière que son introuvable contact, peut-être pourrait-elle lui être utile, après tout. Un masque rassurant sur le visage, il se présenta face à elle.
« Yume…Est-ce que ça va ? Qu’est-ce que tu fais dehors par un temps pareil ? »
Tout en prononçant ces paroles, il posa une main sur son épaule, et se mit à sa hauteur. Il doutait qu’elle se souvienne de lui, elle semblait si…ailleurs, parfois. Comme si elle survivait plus qu’elle ne vivait véritablement. Comme si son cœur lui avait déjà été arraché, même s’il n’en était rien. Mais lui, lui, la connaissait, il avait mené sa petite enquête sur Aki. Rien de tel pour pouvoir au mieux le manipuler. L’attirant sous un porche afin qu’ils puissent se protéger de la pluie, de ce ton toujours rassurant, presque doux, il lui posa finalement, la seule question qui l’intéressait vraiment.
« Où est Aki ? »
Sujet: Training • Yume × Sly 
Sam 24 Oct - 16:21
