En ce lieu abandonné, dans ce monde devenu dangereux aux affiliés de la lumière et des ténèbres, éclairé par le seul éclat rougeoyant et dérangeant de ce soleil crépusculaire, presque irréel, Sly attendait, les yeux dans le vide. Là, assis sur le pas de la porte, les jambes croisées et le dos bien droit, il contemplait ce spectacle calme, répétitif, hypnotisant. Inspirant, expirant régulièrement, au rythme de ces  nuages entourant cet îlot isolé, il contemplait le spectre infini qu’était le ciel, il contemplait cet astre morne, semblant pourtant s’éteindre à chaque instant. Ses yeux rouges fixés sur l’immensité, il était rare de le voir ainsi…aussi calme, aussi inactif… presque apaisé ? Après ce qui lui était arrivé il y a quelques temps –Jours ? Semaines ? Mois ? Comment le savoir…- Du moins, c’est l’impression que cette scène insolite donnait. Dans cet endroit, dans ce repaire abandonné de tous, lieux de rencontre entre clarté et obscurité, il n’y avait littéralement personne. Il n’y aurait jamais personne. Au mieux juste quelques fous de passage, ou alors, un individu égaré, coincé, qui ne pourrait plus qu’attendre la mort, qu’attendre que les ténèbres viennent l’embrasser. Ici, il ne risquait rien, pour l’instant. L’endroit était presque comme un secret, cette tour ne menant nulle part était inconnue du plus grand nombre. Lui, l’avait découvert un peu par hasard, il y a combien de temps ? Deux jours ? Deux semaines ? Deux mois ? Deux ans ? Deux décennies ? Il ne saurait le dire. Il était juste tombé dessus et, sans qu’il sache vraiment pourquoi, il y revenait. Peut-être trouvait-il un certain réconfort ? Un certain apaisement dans cet univers qui semblait si bien refléter le néant qui occupait les abominations de son engeance, qui reflétait si bien la dualité de son être. Ici, il n’y avait personne, le lieu était calme, inchangé, emplis d’une quiétude éternelle, d’un vide angoissant et oppressant pour les possesseurs de cœurs. Était-ce pour ça qu’il s’y était attardé ? Dans sa vie à cent à l’heure, il n’avait jamais, jamais le temps de ne rien faire, de se reposer, juste, de se poser…Dans sa vie à cent à l’heure, celle qu’il avait choisie, celle qu’il s’était construite, il ne pouvait se reposer, puisque rien ne devait lui échapper. Rien ne devait jamais échapper à sa vigilance malsaine. Sans doute venait-il ici pour remettre ses idées en place, n’est-ce pas ? Du moins, c’est l’impression qu’il donnait. Près de lui, Nox, son Nocturnes rouge, flottait mollement. Sans se hâter, il vint se blottir contre son cou, venant chercher un peu d’affection. Le simili le gratifia distraitement de douces caresses, sans décrocher son regard de ce spectacle récurrent. Depuis combien de temps était-il ici ? Une minute ? Une heure ? Un jour ? Une semaine ? Il ne saurait le dire, il ne savait jamais le dire. Assis, là, ne dégageant rien, ne dégageant aucun simulacre d’aura, l’œil spectateur aurait même du mal à croire qu’il y avait quelqu’un dans ce corps, qu’il ne s’agissait pas juste d’un patin de chair, sans rien à l’intérieur, attendant les ordres. C’est l’impression qu’il donnait.

C’est l’impression qu’il voulait donner.

Car intérieurement, il abordait toujours ce sourire, ce sourire étiré et inquiétant. Intérieurement, il n’était pas aussi calme, pas aussi serein, son cerveau carburant, échafaudant, testant d’innombrables et d’innombrables plans, encore et toujours. Il n’avait pas besoin de se reposer, il n’en voyait même pas la nécessité, d’ailleurs. Lui qui n’avait aucune notion du temps qui passe ne semblait pas du genre à aimer en perdre, surtout quand la masse de travail est si importante et que lui était trop peu entouré pour l’abattre. Puisqu’il n’avait presque pas besoin de dormir, puisqu’il se nourrissait très mal, quand il se souvenait qu’il devait bien manger de temps en temps, alors il pouvait consacrer tout son temps, toute son existence à Maléfique et à ses noirs dessins. Alors que faisait-il sur cette île, feignant la tranquillité ? Il attendait, tout simplement. Il attendait l’une de ses…proies. Ce lieu était l’endroit idéal pour rencontrer et discuter de sujets sensibles. Il attendait simplement que quelqu’un morde au piège qu’il avait laissé sur ce gardien. Nicolas Dorian… Une fois passé entre ses mains blanches et délicates, il avait fait un très bon appât. Qui sait ? Peut-être aurait-il le plaisir d’attirer un autre gardien dans ses filets ? Un de plus…Combien en restait-il à détruire ? Un par un, il passerait tous en son pouvoir…Jusqu’à ce qu’il ait les informations qu’il recherche. Ou alors, ce serait quelqu’un d’autre…Encore mieux…Un personne liée à Nicolas, une personne chère à son cœur, qui viendrait, non pas par devoir, mais par vengeance. Les motivations des seconds étaient généralement bien plus…personnelles. Affiliés des ténèbres ou de la lumière, peut importait pour lui…dès que son interlocuteur avait le malheur de vouloir remplir ses ambitions personnelles, il s’engluait, il s’engluait inexorablement dans la toile de ses mensonges.

Il n’était pas rare que Sly adopte cette attitude de faiblesse, de vulnérabilité, quasiment de victime, quand il devait en rencontrer un. Surtout un affilié de la lumière. Faisant semblant de se faire surprendre, simulant la terreur, simulant l’horreur, simulant les abus, il se mettait volontairement en situation d’infériorité, les forçant quelque part à baisser la garde. Souvent, ils tombaient littéralement dans le panneau, pensant n’avoir à faire qu’à un messager quelconque, un gamin forcé et contraint qui ne pourrait jamais leur causer le moindre tort. Quelle erreur, quelle douce et terrible erreur… Après tout…N’était-il pas qu’un enfant ? Une apparence juvénile qui ne cachait que le plus angoissant des néants. Qui aurait pu croire que cet adolescent, seul au milieu de nulle part, un air angélique sur ce visage fin et apaisé, avait les mains couvert du sang de dizaines et de dizaines de victimes ? Personne. Sauf ceux qui l’avaient vu à l’œuvre. Personne donc. Car personne ne survivait quand on l’apercevait en plein travail.

Au loin, il entendit le bruit d’un moteur de vaisseau. Lentement, et après une énième caresse sous ce chapeau jaune, il demanda à Nox de se retirer. La mascarade pouvait commencer. Sa proie était arrivée. De loin, il la vit arriver. ‘La’ ? Oui. Bien que cachée derrière ces vêtement sombre et masculin, une capuche masquant son visage, c’était bien une femme. Cette démarche ne le trompait jamais. Rien ne le trompait jamais très longtemps. Le simili la regarda s’avancer vers lui. Il l’observa, la détaillant de ses yeux rouges, s’arrêter face à lui, être troublée par lui, du moins par son apparence. Oui…Juste un enfant. Peut-être s’attendait-elle à une bête immonde et féroce ? À une personne exaltant la rage comme l’on inspire de l’air. Mais non… Juste un enfant…Perturbant, non ? Surtout pour les femmes. Parfait. C’est ce qu’il voulait.

Puisqu’ils n’étaient que seuls tous les deux, il projeta son pouvoir voleur sur elle. Il calqua son aura, en intégrant une copie conforme à son être et, durant un instant, en analysa la composition, comme il le faisait à chaque fois. Lumière, lumière…Tant de lumière, c’était à la fois dégoutant et fascinant. Lumière, lumière… trop de lumière. Il s’interrogea. Où était l’ombre dans tout ça ? La réponse s’imposa d’elle-même…

Princesse de cœur…

Une Princesse de cœur !

Il avait réussi à piéger une princesse de cœur ! Pas une gardienne, pas une combattante ! Rien d’autre que le trésor des gardiens ! Et à en juger par son accoutrement, par cette manie qu’elle avait de vouloir se cacher à son regard, elle était ici… en secret. Parfait ! Parfait ! Parfait ! Son plan avait fonctionné à la perfection ! Ainsi, ce cher Nicolas avait une dame de pure lumière dans ses proches ? Ce cher Nicolas… Il avait eu raison de le garder en vie…De faire de lui son messager funeste…

Cette princesse ne repartirait pas de cette Île. Du moins, pas libre. Il avait des projets pour elle…de grands projets…Depuis le temps que Maléfique voulait mettre ses mains fines et noueuses sur l’une d’entre elles… Depuis le temps qu’il voulait voir les limites de ce cœur de lumière ! Elle ne le savait pas encore, mais le piège s’était déjà refermé derrière elle.

Ah, la mascarade pouvait commencer… Assis sur le pas de cette porte immense, Sly lui sourit simplement, un sourire radieux et presque enfantin. 

« Ce n’est pas tous les jours que l’on rencontre quelqu’un comme vous, ma Dame » Il appuya les deux derniers mots, les teintant d’ironie. Elle n’était pas Sa Dame, il n’en avait qu’une et seules les plus noires ténèbres la drapaient. « Toute cette lumière… Ce doit être un fardeau, non ? » Il s’étira avant de se lever et d’épousseter sa tenue. Il ne dégageait aucune hostilité, en fait, il exhalait même la plus pure des auras pour une fois. Cette aura figée… « Laissez, ne répondez pas, je suis juste trop curieux. » Il la détailla longuement, de haut en bas, enregistrant la moindre parcelle d’information qu’il captait. Puis, comme si il voulait seulement engager la conversation, continua sa toile de mensonge. « Etes-vous une amie de Nicolas Dorian ? » Il soupira et prit un air peiné, réellement peiné. « J’ai vu ce qu’il lui est arrivé…Horrible, vraiment horrible… Je pense que ceci vous revient de droit. »

Le simili fouilla alors dans ses poches. Bien que d’habitude, elles fussent vides, cette fois-ci, elles contenaient un objet. Un seul objet précieux. Ce bracelet frappé d’un dragon qu’il avait pris sur ce presque cadavre. Il lui tendit l’objet, attendant qu’elle s’en empare.

« C’est à vous, non ? »

En réalité, il n’avait aucune idée de la relation que cette femme pouvait avoir avec le gardien supposément entre la vie et la mort. Mais… Elle était suffisamment proche de lui pour avoir regardé dans ses affaires personnelles…Pour avoir découvert ce message tracé de son sang… Il ne savait pas encore ce que cela signifiait, mais cette princesse était ‘proche de lui’. Très proche de lui… Reste à savoir, jusqu’à quel point…

Ah…quel doux et délicat piège il avait tendu  en ce jour qui ne serait pas comme les autres. Là, sur cet îlot isolé bercé par la couverture nuageuse et le soleil décroissant, le simili était…plus que satisfait. Plus que satisfait de ses propres méfaits. Un piège quelque peu grossier en lettre de sang laissé sur un gardien au bord de la mort, et il avait harponné une autre proie. S’il avait su que c’était si simple de faire sortir de leur forteresse les habitants de lumière, il aurait procédé ainsi il y a bien longtemps… Quel dommage que les circonstances aient été si exceptionnelles.

Car, malgré tout, il n’était pas de ces soldats offensifs de la première ligne, prêt à se sacrifier pour faire parler sang, organes et métal. Non, Sly n’était pas un combattant, Maléfique ne l’avait pas voulu ainsi, elle possédait déjà tant et tant de sbires porcins à la cervelle réduite mais aux muscles bien présents. Non, quand elle avait aperçu le néant vierge de toute influence qui composait cet être à l’apparence si lumineuse, si pure, l’idée s’était imposée d’elle-même. Ce corps vide n’était pas taillé pour le combat et ne le serait sans doute jamais tout à fait. Trop frêle, trop petit. Non…Il serait un tout autre type de serviteur. Encore fallait-il qu’il satisfasse ses attentes et, amorphe et vide comme il était, rien n’était moins sûr… Mais elle se devait d’essayer, d’essayer de s’adjoindre les services d’un simili, tout comme l’une des organisations ennemies s’appuyait sur eux pour composer le gros de leur troupe. Quelqu’un de simplement plus fin et pernicieux… de plus dangereux. Un traitre à sa cause, s’infiltrant où bon lui semblait pour recueillir ce que sa lourde réputation l’empêchait de faire : des informations. Tout simplement. La sorcière des ténèbres devait être lasse de ne jouer qu’un rôle secondaire dans cette guerre Confrérie contre Gardien. Et, pour faire de nouveau resplendir son influence, le temps et les sans cœur n’étaient plus suffisants. Si elle arrivait à faire ressortir les traits de caractères voulus du néant, alors, elle aurait un serviteur de plus. Dans le cas contraire, il aurait pu s’en servir pour ses expériences… Ce n’était pas tous les jours que l’on tombait sur un cadavre mouvant par une volonté contre-nature, après tout.

Trompeur, menteur, manipulateur… Le tout lié à une loyauté sans faille et un fanatisme sans borne. Aucun amour-propre, aucun orgueil, aucune morale. Rien pouvant l’amener un jour à la trahir. Avant même qu’elle ne se penche personnellement sur son cas, qu’elle ne tente par sa magie, ses potions et ses tortures de le modeler à l’image voulue, tout ça était sortie du néant…Tout seul, il s’était changé en ce serviteur parfait et inébranlable. Instinct de survie et d’adaptation à son environnement ? Volonté de faire plaisir à celle qui lui avait offert un toit ? Qui lui avait offert un nom ? A moins qu’il ne s’agisse qu’une réaction étrange à évènement de son ancienne vie à laquelle il ne semblait nullement s’intéresser ? Peut-être il n’y avait-il pas de raison valable, peut-être s’agissait-il d’un peu des trois à la fois…comment savoir ce qui se tramait derrière ce regard de sang ? Nul ne le savait, pas même sa Déesse.

Et une fois encore, ce serviteur remplissait son devoir. Etendre les ténèbres, récolter des informations sur la lumière, sur les clans ennemis, mettre des bâtons dans les roues des Gardiens et de la Confrérie, mais aussi trouver, traquer et capturer les princesses de cœur, tels étaient ses missions, tel était son existence complète. Pas de repos, pas le moindre loisir, pas le moindre moment de détente, il n’en avait pas besoin, de toute façon. Il avait déjà collecté tant de renseignements. Il avait déjà mis hors-jeu l’un des sbires du Roi Souris, pour combien de temps, il ne le savait pas, un long moment sans doute. Et maintenant, voilà que l’un des trésors du saint ordre venait directement se jeter dans la gueule du loup déguisé en agneau.

Princesse de Cœur.

Son aura ne trompait pas, elle lui hurlait cette véritable identité que cette femme tentait de masquer à sa vue et aux mondes sous ces vêtements sombres et masculins, sous cette capuche qui cachait encore son visage à sa vue. Par des mots détournés, car il était rarement franc, encore moins en présence d’un ennemi, cette information capitale filtra de ses lèvres. Il souhaitait voir comme elle réagirait, démasquée d’entrée de jeu. Mettre son adversaire en situation instable, un petit jeu auquel il s’adonnait bien volontiers…Et il n’avait pas fini. Pas de réponse ? Ah !, mais ne pas répondre lui donnait déjà toutes les indications dont il avait besoin. Inutile de tenter de se cacher derrière des artifices de silence et de tissus, cela était simplement inutile. Soit. Si elle ne voulait pas lui faire entendre sa voix mélodieuse, il irait plus loin alors…encore plus loin.

Comme si de rien n’était, comme s’il n’était d’un jeune homme remettant un objet pris au hasard, il s’adressa une nouvelle fois à l’inconnue muette, lui tendant ce bracelet volé à un homme presque mort. Celui qui avait teinté ses mains fines et blanches de rouge écarlate. La main tendue, l’œil scrutateur, cherchant à capter à moindre information, il la laissa reprendre « son bien ». Un soupire, une main tremblante, ce visage qui se baisse doucement… Elle était très touchée par la vue de ce simple objet personnel…Il avait donc bien touché le gros lot, si son intuition se confirmait…Et il se trompait rarement. Elle était très « proche » de Nicolas. Famille ? Plus qu’une simple amie en tout cas…Tellement plus.

Enfin, elle leva son regard, le forçant à plonger son rubis dans l’océan. Bleu…si Bleu…enfin il put apercevoir ce visage ‘noble’. Une peau blanche, une harmonie certaine dans ses traits, une mèche de cheveux blond comme un soleil piégé dans de la glace. Froide, elle lui paraissait si froide… Cette chère…si chère Elsa.

Si son visage était resté tel quel, il jubilait intérieurement. Elsa ! Elsa ! Elsa ! Plus qu’une simple princesse, il avait piégé la souveraine d’un royaume entier ! Qui ne connaissait pas la Reine Des Glaces ?! Par chance, par fatalisme, Arendelle était l’un des royaumes où il avait déjà commencé à étendre son influence malsaine, où il avait déjà commencé à se renseigner. Oh, elle ne devait pas le reconnaitre, il restait encore masquer dans l’ombre de la foule. Mais il était présent lors de ses discours, de ses décisions, toujours… Arendelle serait donc le premier monde à tomber…Privé de lui cher reine, privé de leur gardien, car le rôle de cet homme était maintenant clair comme de l’eau de roche, la lumière sombrerait dans ses noires et insondables ténèbres….Pour le plus grand plaisir de sa maitresse. Mais d’abord… Capturer la reine…Pour faire chuter le reste de l’échiquier, pièce après pièce… Des éclats de givre dans la voix, elle lui adressa enfin la parole. Cassante, elle n’était pas dupe face à son jeu…Enfin, disons plutôt que sa douleur l’empêchait de tomber dans le panneau… De toute façon, il s’avait parfaitement que ça ne tiendrait pas. Le message en lettres de sang avait été on ne peut plus clair, il était le responsable de l’état de l’homme nommé Nicolas. Se délecter de sa souffrance… Elle n’était pas si loin de la vérité, même s’il ne tirait aucune satisfaction de ses actes. Certes, c’était toujours plaisant de voir ses plans arrivés à bons termes, comme prévu, mais de là à en retirer du pur plaisir…elle devait le confondre avec un possesseur de cœur noir, à n’en pas douter… Une insulte à sa personne quelque part, qu’il ne releva pas. Aucun amour propre. Ça ne changerait jamais. Il lui laissa la parole, se prenant de plein fouet ce flot de mots durs et indélicat, si indigne de ce rang de Reine.

Avait-il bien entendu ? Bien sûr qu’il avait bien entendu ... Derrière cet air si sérieux, si solennel, Etait-elle en train de tenter de lui mentir ? De masquer son véritable rôle de princesse derrière un voile de fourberie ? A lui ? L’être à qui « mensonge » semblait avoir été fait pour lui ? Quelle tromperie grossière…si mal assurée, sans aucun fondement, aucun… Comme si elle pouvait se voiler derrière les traits d’une gardienne ! Lui se faire capturer sagement ? Croupir dans une cellule ? S’en était presque comique ! Grotesque ! Ridicule ! Son sourire qui se voulait de lumière s’étira un peu plus. Il passa une main sur ses yeux, sur son visage qu’il rejeta légèrement en arrière pour s’adonner à l’hilarité. Un rire si peu chaleureux… froid et angoissant…dérangé et dérangeant. C’était la réaction appropriée à avoir dans ce cas là….Elle lui paraissait tellement ridicule. Puis, il se stoppa. Net. Et sa main glissa de son visage, révélant ce regard de sang si perçant, teinté d’une lueur inquiétante, révélant ses traits qui ne se voulait plus du tout amicaux, plus du tout de lumière. Une phrase. Il répondit à sa question par l’angoisse de sa voix.

« Mais j’espère bien, Princesse ! » Ce dernier mot lui avait été presque jeté au visage, il n’était pas dupe. « J’espère bien… Un par un, ils tomberont. Personne ne pourra vous protéger. »

N’enseignait-on donc rien d’utile à ces princesses de cœur ? Juste à être « belle » et à la fermer ? Ah ! Ça ne l’étonnait guère en réalité… Toutes piégées par l’ordre de lumière, seul leur cœur comptait au final…Le reste était tellement superflu. Intimement persuadé, Sly était certain que s’il existait un moyen pour les sbires du Roi de ne plus à s’encombrer de toutes ces jeunes femmes pour ne garder que leur substance de clarté, ils le feraient.

Seul devait compter la guerre. Et tous les moyens étaient bons pour la remporter.

Néanmoins, ils avaient dû laisser trop de liberté à cette jeune plantes glacée qui s’était présentée devant lui. Tant pis pour eux, tant mieux pour lui. Il ne laisserait pas passer cette occasion de mettre ses mains ensanglantées sur ce cœur pur. Combien de « temps » mettrait-il à le briser ? Oh ! Il avait hâte de le savoir…. Mais, pas de précipitation, elle n’était en encore en son pouvoir. Pas encore. Doucement, il reprit le masque du jeune garçon de lumière. Sourire franc et sincère, trait détendu, lueur rieuse dans le regard, ton chaleureux… de quoi rendre la scène plus étrange encore. Mains sur les hanches, repoussant de la pointe du pied un caillou sur cette étendue herbeuse, il continua.

« Vous êtes plus drôle que ce que j’imaginais, Dame Elsa. » Quelle douce expression d’horreur allait-elle lui offrir ? « Je doute que le Roi vous accepte dans ses rangs un jour, à quoi bon s’encombrer du récipient ? Seul ce que vous contenez à de la valeur. » Perfidie, il continua son raisonnement. Il voulait vérifier à quel point ce gardien et elles étaient liés. « Vous pensez réellement que votre cher Nicolas aurait levé un regard sur vous si vous n’aviez pas été doté de ce cœur de lumière ? »

 Sourire, ces mots étaient durs mais son attitude corporelle semblait amicale. Étrange, si étrange. Simplement, il termina son discourt d’un claquement de doigt, ouvrant un gouffre des ténèbres non loin qui commença à déverser nombres et nombres de simples ombres. Un début, à voir si cela suffirait à la forcer à l’accompagner. Il relâcha l’emprise qu’il avait sur ses ténèbres, s’entourant d’obscurité contrastant si fort avec sa peau, avec sa stature, avec ses traits. Il tendit la main dans sa direction, comme pour l’inviter pour une danse.

« Si vous voulez bien me suivre, j’aimerai vous présenter quelqu’un. »

Autant dire qu’il n’accepterait aucun refus de sa part, même si rien dans son attitude ne le montrait. Quelque part, il n’était toujours pas agressif ou menaçant, mis à part ce portail déversant des ombres passives, ne faisant qu’observer la scène, et ses volutes d’ombres qui s’échappaient de ses pores.

Aah, il s’était pourtant montré si courtois… Presque sous son meilleur jour. Devant cette princesse qui lui tardait de faire sienne qu’il lui tardait d’offrir à sa noire maitresse, il lui avait offert le masque de lumière, de petit jeune homme qu’il ne quittera plus jamais. Une enveloppe d’éternelle jeunesse, où ne pourrissait qu’un néant le plus noir et le plus inquiétant. Voilà tout ce qu’il était. Cadavre ranimé au service de celle qui l’avait trouvé. Pour son bon plaisir, il s’occuperait de cette jeune femme de lumière, de celle sur laquelle la providence s’était penchée, accordant sa douce clarté pour, qu’à son tour, elle en éclaire les mondes. Douce destinée avait offert une fortune d’éclat dans le cœur de cette Reine des Glaces. Une véritable bénédiction pour son peuple. Avec une telle personne à la tête du royaume d’Arendelle, il ne pourrait arriver que bonheur et félicité, n’est-ce pas ? De son palais de cristal, la lumière de la Reine-princesse rayonnerait, plus pur et plus éclatante que l’étoile polaire au lointain, plus chaleureuse et rassurant que le feu d’une cheminée en plein hiver rigoureux, n’est-ce pas ? Le trésor de sa personne était plus précieux que des milliers et des milliers de pierres précieuses et il ne fallait pas être un gardien pour jauger sa valeur.

La valeur de cet objet mouvant et parlant.

Car au final, elle et ses semblables n’étaient que ça… Des objets précieux à mettre sous clef, à protéger dans leur écrin de cristal. Les dorloter, les pouponner comme des poupées de verre engoncées dans leur robe trop encombrantes et ridicules, un diadème factice, de plomb sur leur tête, menaçant à chaque instant de briser leur petit cou fragile. Tels étaient ses cibles privilégiées, pour celle qui était le centre entier de son existence contre nature et amorale. Au final, peu en avait cure de leur « personnalité » de leur « caractère » de leur « avis », de leur « vie », seul comptait le diamant palpitant dans leur poitrine frêle…si frêle. Un diamant parfait en forme de cœur, si lumineux… si dangereux… si attirant… Si ignoble et repoussant. Quel intérêt y avait-il de discourir avec le récipient de son objectif ? Oh, il y en avait bien un…sinon, Sly ne perdrait pas son temps si précieux avec la jolie blonde au regard assassin. S’il voulait atteindre ce petit cœur de cristal de ses mots, il se devait de passer par la seule de ce duo qui avait la capacité de le comprendre. Sa chère Elsa. Le tranchant de ses paroles la touchait, il faisait mouche, comme toujours. Il le voyait très bien sur ce visage de glace et supposément impassible. Son attitude ne le tromperait jamais, car nul ne pouvait tromper celui qui n’était qui mensonge. En écorchant le contenant, il pourrait accéder au contenu sans nul doute. Oh, oui, il pourrait simplement transpercer sa poitrine de sa lame, récupérer ce diamant brillant et l’offrir, tel le plus beau des présent à sa déesse obscure, mais… Ce n’était jamais si simple. Si tôt libéré de son carcan, sans nulle doute cette lumière brute le blesserait lui, mais surtout son petit Nox, son nocturnes, partenaire de toujours de sa non-vie. Et, après son forfait, il s’échapperait de ses doigts fins pour rejoindre on ne sait quelle constellation. Le cœur est si changeant. Le cœur est si volatile. Ce ne pouvait être plus vrai, car nul ne peut s’emparer de l’insaisissable. En refermant ses mains sur la prison de chair qu’était cette Reine du givre, il s’adjoindrait son cœur en prime. Un cœur pur qui ne pourrait filtrer son ignoble clarté à l’extérieur, ou du moins, pas assez pour l’anéantir.

Pourrait-il « mourir » à cause de la lumière ? Du moins, pourrait-il cesser d’exister ? Il était un être du néant, né à la frontière entre deux univers qui se battaient depuis la nuit des temps. Tout autant allié qu’ennemi des deux parties. Oui… C’est ce qu’il était…Ce qu’il avait été, durant un laps de temps court…si court. Mais ça faisait longtemps qu’il avait tourné le dos, même au néant, pour embrasser les ténèbres les plus sombres. Pour l’instant, nul n’avait tenté de la blesser à l’aide de clarté, aussi, il ne savait quel effet cela pourrait avoir sur son corps.

La main tendue, les volutes d’ombres hurlant sa filiation sur lui, ses troupes place, menace planante encore immobilité, le simili prit ce risque. Celui de se voir blesser par la clarté. Il l’invita simplement à le rejoindre, sachant pertinemment que l’issue de cette rencontre ne pourrait se finir sans que le sang se soit versé. Mais la Reine ne répondit pas à sa dance, quel dommage… désapprouvant sa proposition, elle dévoila enfin son joli reconnaissable visage à son regard de sang. Était-ce de la détermination qu’il lisait dans ses yeux ? Douce folie que cela…Elle comptait véritablement se battre contre lui ? Oh, il la savait dangereuse… Il la savait dotée de force dont lui en était complètement dépourvu. Un simple mot et le givre de sa voix devint concret, piégeant les ombres avides ressemblées en un cercle parfait et grouillant. D’autres paroles creuses… Le prétendu jeune homme les ignora simplement. Ce n’était que des bravades inutiles, après tout. Une arme de glace, elle la lança sur lui, transperçant sa jambe, répandant son sang sur le sol. Il ne chercha même pas à esquiver. Aucun masque de douleur de vint perturber ses traits, ne vint perturber son attitude trop parfaite de lumière feinte. Le froid vint mordre ses chevilles, piéger ses pieds sur place. Mais il n’en frissonna même pas.

D’autres bravades… s’arrêtait-elle parfois de parler ? Il se fichait de ses paroles. Elle n’avait aucune espèce d’importance pour lui. Car si son regard était fixé sur sa personne, comme une obsession faisant luire son regard, c’était bien parce qu’il fixait la source de son pouvoir, celle qui émettait ces relent d’aura dégout, cette aura dont il s’était paré. Il commença à neiger, signe que la reine avait bien décidé à perturber définitivement la fragile balance météorologique de l’endroit. A moins qu’elle ne l’ait même pas fait exprès. Sly referma sa main tendue et replia son bras lentement. Puis, sourit de plus belle en contemplant le filet de sang s’échappant de ses veines. Il promena ses doigts sur le manche de l’arme avant de tirer dessus d’un coup sec. De sa plaie à vif, s’échappèrent en plus de noires et ales volutes d’obscurité. Il tenait l’arme du bout des doigts, jouant sur l’équilibre précaire qu’il créait pourtant lui-même. Puis simplement, prononça, toujours sur ce même ton dérangeant de chaleur.

« A ta place, je n’aurais pas fait ça. »

Car soudainement, émergeant de son cou, un nuage obscur s’éleva pour finalement se condenser et former un seul et unique sans cœur. Son nocturnes rouge, Nox, visiblement plus que furibond. Son regard jaune luisait d’un éclat oscillant entre le malsain et la folie. Clairement pas dans son état normal, pour peu que ça existe pour ceux de son engeance, il s’est drapé des même ténèbres que le simili. Ou plutôt, ce dernier l’alimentait allègrement, l’emplissant de sa substance, augmentant par là sa férocité, son agressivité et… sa magie. Sans aucune sommation, le petit mage de flammes bombarda de boules de feu, l’insolente qui avait osé toucher à son compagnon. Une première directement sur sa cible, et deux autres dirigée vers le sol, dans l’optique de la faire reculer, mais aussi de libérer ses ‘frères’. La température augmenta d’un seul coup, transformant alors la neige en pluie fine et, doucement, la couche de glace se fit fine, si fine. Les ombres piégées commèrent à remuer, sans pour autant se libérer pour l’instant. Pendant que son petit compagnon harcelait la Reine de ses flammes, le simili ne resta pas inactif. Il ouvrit simplement un portail des ténèbres proche de lui. Et, de là, près de dix autres nocturnes rouges en sortirent, accompagné d’un requiem vert, véritable clone des autres, mais possédant la couleur de l’herbe. Celui-ci vint de suite soigner sa jambe suintante pendant que les autres se répartir tout autour du champ de bataille en un cercle presque parfait. En véritable chef d’orchestre, il conduisait et guidait ses sans cœurs comme s’il s’agissait d’extension de son propre corps. L’unique sans cœur semblait bien décidé à carboniser l’infortunée jeune femme qui avait Osé. Si Sly l’aurait bien volontiers laissé faire en temps normal, il dut se résoudre à le stopper.

« Nox, ça suffit. Ce n’est pas comme ça que l’on traite les…invités. » Et le nommé Nox se figea net, tira une dernière boule de feu au pied de son ennemie et s’en retourna auprès de celui qui l’avait appelé. Celui-ci flatta son petit cou du bout des doigts. « Tu sais bien qu’on a besoin d’elle en vie pourtant »

Puis, il reporta son attention sur la princesse et lui sourit. Il claqua des doigts et tous les autres nocturnes s’enflammèrent alors et s’approchèrent de leur proie. Les flammes intenses asséchèrent l’air où plus aucun flocon ne pouvait avoir l’espoir de naitre. Il ne pouvait la tuer, ou la bruler vive, mais il pouvait jouer sur sa fatigue, sur son lien avec son élément pour l’épuiser.

Quel dommage, vraiment, quelle douce et délicieuse erreur. Ainsi, la Sainte Reine des Glaces ne souhaitait pas l’accompagner dans son périple funeste. Ainsi ce contenant si inconsistance et inutile avait ce qui pouvait s’apparenter à un semblant de cervelle. Ou peut-être n’était-ce que le contraire, justement. En refusant, elle ne faisait que prolonger son agonie qui ne pourrait avoir de fin. S’engager ainsi dans un combat contre une engeance des plus noires ténèbres était suicidaire, ou véritablement stupide. C’est bien sur ce manque d’intelligence des possesseurs de cœurs qu’il comptait la plupart du temps. Car ils n’avaient guère deux sous de jugeote pour la plupart… Le moindre mensonge des plus grossier, et ils devenaient des plus manipulable. Si facile… Tellement facile. Il n’y avait qu’à regarder son adversaire du jour, cette prétendue pureté qui n’hésitait pourtant à blesser et à répandre le sang. Malgré toute son éducation, toutes ses manières, tout cet appât ridicule et stupide derrière lequel elle se cachait à longueur de journée…malgré tout ça, elle était tombée à pied joins dans un piège si… si peu élaboré. Si peu inventif, puisque fruit d’une colère sombre et aveugle. Qui aurait cru ? Qui aurait cru qu’il suffisait de jouer sous la douleur des uns pour amener les autres dans ses filets ? Après tout, jamais cette idée ne lui aurait traversé l’esprit. Jamais il ne se serait élancer pour venger l’un de ses alliés. A moins de pouvoir en retirer un quelconque profit, non pas pour lui, mais pour sa déesse d’obscurité, évidemment.

Quant à Maléfique… Pourrait-il partir pour la venger d’un quelconque affront ? Ce n’était pas si simple…Ce n’était jamais si simple. Si elle le lui ordonnait, si elle ordonnait qu’on la venge de la manière la plus ignoble possible, il obéirait. Il obéissait toujours, docile et fidèle uniquement avec elle. Mais dans le cas contraire ? Pourrait-il désobéir à un ordre pour partir laver son honneur ? Absolument pas. Jamais il ne pourrait lui désobéir, même si ses ordres devaient lui faire embrasser une seconde fois la noirceur glaciale de la mort. Elle ordonnait, il obéissait. Ni plus ni moins. Néanmoins… si aucun ordre ne lui était donné… S’il était libre d’agir comme il l’entendait, ce serait autre chose. Toujours, sans cesse et sans aucun répit, aucun, un millier de plans plus ignoble les uns que les autres fourmillaient dans son esprit. Beaucoup étaient destiné à cet individus masqué. Comment le retrouver, comment obtenir des informations sur lui, comment lui faire regretter si mise au monde de la plus délicieuse des manières… Tout ça pour pouvoir l’écraser et le broyer de ses mains. Nul ne s’en prenait à sa sorcière des ténèbres sans en subir les douloureuses conséquences. Non par vengeance gratuite, car jamais ce nouvel objectif ne pourrait remplacer les plans sibyllins et obscures de sa maitresse. Plutôt par pure punition, comme l’on réprimande un enfant terrible, définitivement. Il fallait toujours se montrer ferme dans ce genre de cas, exposer au monde l’éclatante supériorité de Maléfique. Ne pas laisser jaser, ne pas laisser croire qu’une quelconque faiblesse étreint son camps d’horreur.

Car ce ne serait pas productif.

Et la réalisation des plans en serait retardé.

Cela ne se pouvait.

Dès lors, pourquoi cette colère sourde et aveugle ? Fruit de son néant plus si contrôlable ? Oui, la blessure de sa déesse avait sa part de responsabilité, mais il ne fallait pas imaginer qu’il s’agisse de l’unique raison. Encore maintenant, le pourquoi lui échappait. Le « choc » ? La « surprise » ? Le « lien » qui les liait ? Est-ce que la moindre de ces choses pouvait avoir éveillé sa colère ? C’était difficile à croire, et peut-être que la raison n’avait rien à voir avec tout cela. Rien du tout. Peut-être aurait-il avec le « temps » aussi éveillé ce sentiment ? Ou peut-être pas. Si difficile à comprendre. Comprendre comment, sans un cœur en bonne et due forme, un quelconque sentiment pouvait émerger de son néant glacial. Peut-être n’était-ce qu’à cause de sa race. Simili il était, comme ceux de cette confrérie, ennemie de toujours. Oui Simili, cadavre sans cœur, mais y avait-il ne fusse qu’une personne qui avait pu constater l’évolution de son engeance ? Avec « l’âge » même si le temps ne semblait avoir d’emprise sur eux, que se passait-il ?

Tant de questions, aucune réponse satisfaisante… Aussi les balayait-il d’un revers de main.

Ce n’était pas utile pour ses missions, dès lors, cela n’avait d’importance. Tout comme ce monde d’apparente lumière qui hantait ses courts songes, tout comme cet ancien lui impie et misérable baignant dans la clarté. Nul ne devait le détourner. Nulle quête personnelle, nul questionnement inutile. Il ne vivait que pour elle, que pour ses désirs et rien d’autre.

Patin à peine plus utile qu’un objet.

Il serait son œil sur les mondes, son jouet si elle le souhaitait, son arme comme toujours. Et rien d’autre. Il était Sly uniquement parce qu’elle l’avait voulu.

Ça et à cause du serment d’un fou en proie au dilemme.

Mais ça… personne ne le savait.

Dire que sans ce dilemme, il ne serait pas là. Sans ce dilemme, il serait un autre, peut-être heureux, peut-être pleurant toutes les larmes de son corps. Peut-être… Peut-être que sans cela, cette jeune princesse des neiges ne serait pas là perdue sur une Île flottant au beau milieu de nulle part. Peut-être ne serait-elle-même jamais venue ici, pour venger ce plus qu’ami, son gardien de cœur.

Peut-être… C’en était même sur.

Mais à quoi bon revenir sur le passé ? Seul comptait l’instant, surtout lorsque le temps est inquantifiable. Cette jeune femme de pureté verrait ce qu’il en coute de venir provoquer les ténèbres. Douloureusement. Très douloureusement.

Mais surtout, dans l’ardente chaleur des flammes.

Un véritable four, c’est ce que le simili venait de recréer à l’aide de ses sans cœurs fidèles. Il comptait bien la soumettre d’une façon ou d’une autre, ne pouvant la tuer au risque de perdre son cœur si précieux. Mais au final… Peu importait l’état du contenant, du moment qu’il maintenait toujours le contenu à portée. C’était presque gagné, à la voir se réfugier en elle-même. Mais il se s’arrêterait que quand ses halètements la conduiraient vers l’inconscience… ou le coma, au choix. Si facile… Même trop facile, cette princesse devait bien en avoir plus dans le ventre non ? Son royaume était l’un des plus exposé aux ténèbres et c’était la seule résistance qu’elle lui offrait ?

Non… Oh que non !

Il y avait encore une facette de son pouvoir qu’elle n’avait exposé à son regard scrutateur. La lumière… De véritable rayon de mort émergèrent de ses paumes, perçant, transperçant impitoyablement chacun de ses Nocturnes Rouges. Tous sauf Nox, il en allait de sa survie, après tout. Intéressant, il n’avait encore vu cette façon d’user de la clarté. La diriger ainsi… Si elle avait été entrainée dans cet optique et non uniquement pour l’usage de soin, cela pourrait être dangereux, même pour lui. Se décomposerait-il si la lumière venait à le frapper ? Peut-être serait-ce une « expérience enrichissante » après tout ? Il l’observait. Sly observait ce spectacle. Celle de sa personne affaiblie par ses propres forces, se relevant avec difficulté et tremblement. Ainsi, c’était pourquoi elle n’avait usé de cette force avant… Epuisant, bien plus que sa magie des glaces. Oui, beaucoup plus.

Il enregistra l’information.

Des paroles sans aucune important émergèrent de sa gorge. Des bravades, rien de plus. Croyait-elle vraiment qu’il ne pouvait lui faire du mal ? Certes… il ne pouvait la tuer. Mais entre la vie et la mort, il existe une foultitude d’état des plus délicieusement catatonique. Il pouvait toujours arracher ses membres, briser son corps sans la tuer. Il pouvait toujours agir sur son mental, user son esprit pour qu’il n’en reste plus le moindre grain. Oui, il le pouvait, mais elle ne le savait. Si naïve…

Une nouvelle tempête se leva alors. Forte, bien plus forte et puissante, le repoussant doucement, envoyant valser son petit Nox plus loin, de l’autre côté de la tour. Le simili plaça ses bras devant ses yeux pour les protéger du gel. Oh non, elle n’en avait pas fini. Mais tant mieux ! Tant mieux ! Elle s’épuisait toute seule, s’échinant à faire de même avec lui. Mais il était loin d’avoir puisé dans ses propres forces. Après tout, il était indemne et en pleine forme. Seuls ses sans cœurs avaient été blessé véritablement.

Aussi, il ne perdait pas son sourire, presque certain de réussir sa tâche. Il avait toujours l’avantage du nombre et l’aurait toujours. La vision se brouilla dans tout ce blanc alors qu’une muraille d’immaculée s’éleva entre eux. Ce fut cette dernière, projetée en deux partie, qui l’écrasa sur en mur de la tour, le privant de ses mouvements, tout en aplatissant impitoyablement les infortunées ombres encore piégées des neiges. Quel sans cœur si faibles… Il jeta à peine un regard en oblique pour constater leur disparition. Un épieu de glace placer astucieusement pour en finir avec sa vie lui rappela alors qu’il était dans une position fort précaire.

Du moins en apparence.

La reine continua à déchainer ses forces, créant un golem le surplombant de bien trois têtes. Un féroce gardien de givre dont la loyauté faisait néanmoins pâle figure à côté de celle de Nox. Ah… toute cette scène était si sérieuse… Il ne put s’empêcher d’en rire doucement, non pas à gorge déployée, juste une tout petit peu. Un ricanement qui n’avait rien de sincère ou réel, tout juste créer pour blesser la fierté.

« Ah Elsa… Elsa ! Tu es pleine de ressources vraiment ! Tu penses avoir gagné ? Mais pourtant, je respire toujours tu sais. » Il était entravé, mais, contrairement à d’autres, il n’avait jamais vraiment eu besoin de gestes pour ouvrir ses portails, et invoquer ses troupes. Ce n’était qu’un artifice camouflant la réalité. Tant qu’il voyait, il pouvait ouvrir la faille des ténèbres. « Et tant que je respire, je continuerais à m’en prendre à la lumière ! » Une provocation, il souhaitait l’épuiser plus que de raison, mais surtout, en cet instant, détourner son attention. Car ce portail, il l’ouvrit, à peine à quelques pas de là. « Je peux jouer, moi aussi ? On passe tous les deux à la vitesse supérieure ! »

Cela aurait été si… si normale dans la bouche d’un adolescent un peu joueur, un peu orgueilleux. Mais dans la sienne, ce n’était que paroles dérangée et dérangeante. De l’obscurité sortit une multitude de petites chauves-souris à la robe d’ébène. Même si elles ne portaient la marque, il s’agissait pourtant de sans cœur. Il n’était là que pour la diversion, évidemment. La multitude harcelait golem et dame, griffant de leurs ailes, très souvent repoussées au moindre souffle trop puissant. Mais durant ce temps, un autre adversaire émergea, beaucoup plus imposant. Tout d’abord, un énorme faciès de canidé apparu, suivit d’un bras énorme et grisâtre portant ce que semblait être un bouclier monocéphale grognant. Puis le corps suivit. Énorme, couvert d’une armure, et pourvus d’une tête violette. L’emblème ne trompait pas, il s’agissait d’un sans cœur, et pas n’importe lequel : Un défenseur. Invulnérable à toute attaque frontale. Les chauves-souris se dispersèrent alors tout autour du champ de bataille.

Sans attendre, le colosse s’élança sur le golem, le harcelant de son bouclier, l’immonde tête de chien s’emparant de son bras pour mieux l’exploser entre ses mâchoires. Durant ce spectacle, Nox n’était pas resté inactif, loin de là. Petit à petit, il était revenu auprès de son compagnon. Il était un sans cœur de taille plus modeste il est vrai, mais jamais le simili ne l’aurait remplacé par un autre. Arrivé à sa hauteur, il s’enflamma, chauffa la glace pour que peu à peu, elle s’affine. Le simili ne pouvait le cacher, ses membres commençait à s’engourdir sous le froid… Mais la reine n’avait osé le blesser sérieusement. Trop gentille. Trop pure. Trop naïve. Une fois assez fine, il força pour se libérer de sa gangue et flatta une nouvelle fois son Nocturnes Rouge de ses doigts.

Il se reporta alors sur la bataille qui faisait rage entre les deux serviteurs. Les deux se valaient globalement et rendait coup pour coup. Mais Sly n’était pas lié plus que cela à cette engeance obscure. Elle ne le drainait pas, absolument pas. De plus, elle avait encore une botte secrète. Lors d’un énième coup de bouclier dans le ventre du golem, le défenseur ne retira pas son arme. À la place, la gueule s’ouvrir un peu plus, et une boule de feu en émergea, perçant le géant de givre, le coupant véritablement en deux.

Oh, il pouvait toujours se reformer, c’était une possibilité, mais déjà réduit de moitié, il serait plus aisé pour son champion de l’emporter.

Un second portail s’ouvrir alors, et trois autres sans cœur en sortirent. Trois petites boules rouges pourvue de pattes. Bien moins impressionnantes que leur collègue à bouclier et pourtant tellement plus dévastateur. Ils s’avancèrent un peu, semblant inoffensif, passant entre les jambes courtes du défenseur puis, soudain, se plantèrent dans le sol. Et un compte à rebours s’inscrivit sur leur front.

3, Le sourire de Sly s’élargit alors.

2, il rappela ses chauves-souris qui formèrent une protection contre l’explosion à venir.

1, Il leva la main, esquissa un « au revoir » silencieux.

0…

La détonation retentit.

Et l’explosion retentit. Assourdissante, son instigateur dut lui-même se couvrir les oreilles pour ne pas en perdre définitivement l’usage. L’onde de choc, violente, soudaine, atroce, bien que bloquée par ses sans cœurs aux ailes membraneuses fut assez puissante pour le repousser contre la porte de bois de la tour abandonnée. Le simili mit plusieurs instants à recouvrer entièrement ses esprits. Sa tête vrillait, son équilibre était plus que précaire, ses tympans bourdonnaient. Il s’appuya d’une main contre la pierre froide pour éviter de chuter. Une fois, deux fois, Sly toussa, recracha les particules venues s’infiltrer dans ses poumons. S’en était-elle sortie ? Là était toute la question... Il balaya l’environnement de son regard ensanglanté. Un nuage de fumée dense s’était élevé entre les deux antagonistes de cette joute à l’issue incertaine. Il n’y voyait pour ainsi dire rien du tout. Était-elle encore en vie ? Ou suffisamment « en vie » pour pouvoir retenir son si précieux cœur de lumière ? Inverse serait problématique, très problématique. Pourquoi avoir usé d’une méthode si dangereuse et si drastique, même pour lui ? Il aurait très bien pu laisser ce combat s’éterniser, jusqu’à ce que la Reine s’effondre d’elle-même, comme un château de carte. Oui, il aurait pu. Il aurait très bien pu l’entraver, la poix obscure et collante constituait d’efficaces menottes, d’implacables menottes. Oui, il aurait pu. Il aurait également pu choisir de l’attaquer de lui-même, sortir son arme de simili qu’il n’usait qu’en cas extrêmement particuliers, ceux où il était à court d’instrument de torture improvisé. Oui, il aurait pu. Mais, il avait souhaité frapper un grand coup, imprimer dans l’esprit faible et fragile de cette femme que jamais, jamais elle ne pourrait gagner face à la puissance implacable de la noirceur et des ténèbres. La guerre était jouée d’avance, le vainqueur tout désigné, le chalenge déjà plus si intéressant. Oui, seule l’obscurité pouvait remporter ce conflit séculaire, et elle prenait son temps pour ça. Lente, comme l’agonie de la lumière était si lente... Si plaisante à observer, si plaisant d’observer s’agiter des êtres sans autres destins que celui de servir en pâture aux sans-cœurs. La Sainte Reine des glaces devait le savoir, elle devait le ressentir dans sa chair, au plus profond d’elle-même. Que ce combat la marque comme aucun autre auparavant, et que la terreur et le doute s’installe derrière son regard de pureté. Jamais, elle ne pourrait gagner. Parce que l’ennemis en face de lui était déjà mort. Ils ne jouaient simplement pas avec les mêmes règles, sous les mêmes conditions. A aucun moment, Sly n’avait cherché à préserver sa vie, à préserver son corps. Si drôle, si drôle d’apercevoir son liquide vital s’échapper de ses plaies à vif, pourquoi se priverait-il d’un tel spectacle ? Surtout quand il pouvait voir l’horreur dans le regard de son adversaire. L’horreur en constatant qu’aucun rictus de douleur ne déformerait jamais ses traits, l’horreur de constater que ses meurtrissures n’étaient que temporaires, que l’intervention d’une simple créature mineure suffisait à se soigner.

Si drôle.

La terreur des possesseurs de cœur était si drôle.

Ils étaient si drôles à s’agiter vainement au bout de leur fil.

C’était drôle de sectionner les mains du marionnettiste pour les voir s’effondrer dans la poussière.

Ses sens revenus, le simili constata avec délectation la dévastation qu’il avait causé. Non pas de visu, car l’épais nuage compacte était encore trop dense, mais il ressentit les dégâts. Il le comprit en constatant l’élimination de ses propres troupes. L’armée sombre avait été en partie décimée, une nouvelle fois par l’assaut de leur commandant. Mais qu’importait ? Ce n’était que des pions purement remplaçables. Puis, puisque nulle nuée de cœur ne s’était échappée vers les étoiles, ses troupes lui reviendraient tôt ou tard, après un certain « temps de repos ». Son lien mental avec ses sans-cœur, celui à travers lequel il les dirigeait comme un véritable chef d’orchestre, lui indiqua ce qu’il lui restait sur morceau de terre à la dérive. Ce n’était pas brillant, une ou deux ombres qui avaient pu se réfugier au sol, à peine une poignée de chauve-souris, et son défenseur, bien que ce dernier fût en très, très mauvais état. Quelle importance ? D’un claquement de doigt, il pouvait reconstituer une formation encore plus dévastatrice, et sans le moindre contrecoup pour sa personne. La manipulation des ténèbres était un don si pratique, si fascinant... Il avait parfois du mal à comprendre l’intérêt des vivants à conserver leur cœur loin de sa corruption. Peut-être n’y parviendrait-il jamais, puisqu’il était privé du sien. Quelle importance ?

Nox, un temps soufflé à l’autre bout de ce minuscule îlot, revint vers son compagnon avec précipitation. Furibond de ne pas avoir été prévenu à temps, il se lança à quelques reprises de toutes ses faibles forces sur le torse de Sly. Aucun dégât à déplorer, il s’agissait juste de sa manière à lieu d’énoncer sa désapprobation, et son mécontentement. Face à ce comportement auquel il avait assisté des dizaines et des dizaines de fois, le prétendu jeune homme sourit et rit doucement, un rire doux et fluet. Il se déporta en position défensive, feignant se sentir agressé, feignant ressentir une quelconque douleur, repoussant le nocturnes d’une pichenette. À la manière d’un simple adolescent taquinant gentiment un de ses amis. Mais ce n’était rien d’autre que façade, que scène jouée encore, encore et encore. Jouée et encore rejouée pour paraitre vraie. Jouée et rejouée à tel point qu’elle en devenait un réflexe conditionné pour ressortir, même lorsque l’instant ne s’y prêtait pas. Et quel instant plus inopportun qu’au beau milieu d’un combat ? Enfin, un combat, une parodie de duel plutôt. Point par point, le simili n’avait fait qu’écraser tout espoir de contre-attaque de la part de la jeune femme. Il n’en tirait aucune satisfaction, rien pouvant flatter son inexistant ego. Quelque part, c’était ce que lui dictait sa logique. Il était logique qu’il se sente victorieux, même sans avoir eu la confirmation de l’état de son adversaire. Il était logique de penser qu’elle n’avait pas eu le moindre temps pour se prémunir de l’explosion à la vue de son air délicieusement tordu d’horreur à un instant de la détonation. Il était logique de penser la lutte terminée à l’écoute de ces doux halètements qui lui parvenait. Il était logique de penser que la moindre parcelle de courage lui avait été arrachée impitoyablement, qu’elle était plus qu’à bout de force. Il n’en tirait aucune fierté, puisque cette sensation lui était inconnue et n’en dessinait que les conclusions affreusement logiques, quelque peu biaisées par le prisme de sa pensée.

Quelle douce erreur.

L’erreur n’était pas quelque chose d’habituel pour lui.

Quelle douloureuse erreur.

Deux simples mots furent prononcés, deux petits, si petits mots. Une bravade de plus ? Seulement en apparence, car à l’écoute de ces deux simples mots, ses yeux s’écarquillèrent, et l’air détendu qu’il affichait s’effaça à la faveur de l’urgence de la situation. Ce ton, cette voix, cette inflexion, elle n’était pas celle d’une personne à terre, proche de la mort. Non, loin de là, elle était celle de quelqu’un prêt à la folie pour triompher, quelqu’un abattant sa dernière carte, tout en faisant fi de sa propre sécurité. La vengeance l’avait-elle menée si loin ? Une princesse de Cœur était capable de s’enfoncer aussi loin dans un tel ressenti ? Le tout sans connaitre la moindre répercussion sur ses pouvoirs ? Inédit, voir même, presque impensable. Il aurait dû le savoir, il aurait dû s’en douter, les possesseurs de cœur semblaient parfois capables de puiser dans des forces qu’ils ne possédaient pas, de surpasser l’état déplorable de leur corps. Parfois... Mais c’était si rare, si erratique, si illogique, si...

Si humain.

Dans un ultime geste, Sly s’empara de son Nocturnes, et le serra fort, si fort contre lui, et se jeta au sol. A genou, Il couvrait le sans cœur de son propre corps, lui offrant la protection qu’il n’avait, se refusant cette même protection, s’exposant dangereusement aux coups à venir. Nox ne pouvait mourir, il ne devait mourir, car jamais, jamais le simili ne pourrait imaginer continuer sans lui. Jamais ils ne pourraient être séparés. Jamais. Une onde de choc explosa, soufflant par la même occasion le nuage de cendre séparant les deux antagonistes. Lumière, lumière, trop de lumière. Le sbire de la sorcière des ténèbres enfouit son visage entre ses épaules. Brûle, brûle, la lumière brûle sa peau à nu, sa nuque, ses joues, ses bras aussi. La lumière brule, elle brule si fort, comme si elle souhaitait purifier l’engeance de l’ombre qu’il était, l’annihiler de la surface des mondes, réduire son existence en cendre. Des volutes de ténèbres s’échappaient de ses plaies à vif, agonisantes sous la clarté implacable. Sous l’impact, sous la surprise car il ne pensait qu’il restait autant de force à la Reine, même lui se crispa. Il serra sa mâchoire, maudissant mille fois la princesse, mille fois son pouvoir, mille fois son cœur. Il se jura même ne pas prendre de répit temps qu’il n’aurait pas brisé personnellement cet organe palpitant. Nox... Nox aurait pu ne pas s’en sortir. Il aurait pu être balayé comme tous les autres, foudroyé sur place, relâchant les cœurs qu’il avait consommé au fil des années. Horrible, horrible, horrible cette pensée, cette vision ne pouvait exister. Elle ne devait se réaliser, il y veillerait.

Tout comme il veillerait à punir comme il se doit tout ceux agissant pour sa réalisation.
Un long moment après avoir entendu la chute d’un corps sur un sol dur et glacé, Sly resta immobile, tel une statue de marbre. Puis, il commença à se balancer doucement, d’avant en arrière, d’avant en arrière. Avec une infinie douceur, quelques mots s’échappaient de ses lèvres fines, presque inaudibles : « Ça va aller » « Ne t’inquiète pas » « C’est terminé » « Je ne te lâche pas » « Je vais bien ». Il le serrait fort, si fort, son petit et faible sans cœur. Il le serrait si fort, qu’il aurait pu l’étouffer, que déjà, ses bras s’engourdissaient, se tétanisant face à la force qu’il usait. Nox... Nox avait si peur et la force de leur lien répercutait cette sensation dans sa moelle tremblante. Il détestait ça. Surpris, choqué, la créature avait mis plusieurs secondes à comprendre ce qui se passait, à comprendre à quel point elle était passé proche d’une fin définitive, d’un effacement sans retour. Son regard jaune écarquillé, il ne manquait plus que des larmes pour compléter ce parfait tableau de terreur et d’angoisse. Mais, les sans cœur ne pleurent pas. Les sans cœur ne ressentent pas. Les sans cœur ne craignent pas la mort. Les sans cœur n’ont nul besoin d’être rassuré, cajolé, câliné. Non, les sans cœur n’ont besoin de rien de tout ça.

Sauf le sien.

Au bout de longues minutes, l’angoisse cessa, elle se calma, laissant sa place à un néant froid et glacial, un néant qui s’alluma d’une flamme incroyable, presque incontrolable. Avec lenteur, Sly se redressa. L’attaque ne l’avait pas laissé indemne. Éraflé, brulé, sa tenue élimée d’un peu partout, il avait encaissé l’onde de choc sans autre protection que son vêtement sombre. Mais, au moins, Nox n’avait rien et, lui-même était en vie. Ainsi, toute engeance des ténèbres qu’il soit, la lumière ne lui était fatale. Après tout, il était un simili, et un simili est un être du néant, un être la frontière parfaite entre ténèbres et lumière. Si de son côté la balance avait penché en faveur de l’obscurité, sa race restait et resterait inchangée. Il enregistra l’information. Il pouvait résister à la lumière, au moins un petit peu. Il libéra le sans cœur de son étreinte et rejoignit en quelques pas le corps de Reine des Glaces. Son regard était froid, il était dur et implacable. Il se fixa sur ce corps à la respiration lente, régulière.
Elle avait osé. Elle avait osé.

Il serra le poing.

Elle avait osé.

Il se mordit les lèvres, retenant avec difficulté cette flamme, cette rage, cette colère soudaine.
Elle avait osé ! Elle méritait mille morts !

Sans aucune sommation, Sly écrasa une lourde botte sur le bras de l’inconsciente, un geste d’une force tellement non retenue qu’une craquement sec, comparable à celui d’une brindille, retentit. Elle... ! Elle... ! Si sa maitresse n’avait pas besoin des êtres dans son genre ! Il aurait pu avec joie se défouler sur sa peau immaculée et intacte ! En arracher chaque parcelle, centimètre par centimètre, verser mille potions caustiques sur ses chairs à vif, détacher un à un ses doigts, ses yeux, ses mains, ses bras, ses pieds, ses jambes. L’empêcher d’en mourir, l’empêcher d’en hurler sa souffrance, que son esprit soit aussi marqué que sa peau, que ses os creux, que ses organes. Ah ! C’était si compliqué de se retenir ! De ne pas céder aux sirènes de cette sensation contre nature ! de ne pas assouvir sa vengeance ! Mais Nox revint à la charge, une fois encore. Comme pour ce gardien de rien, il intervint, s’interposant entre le fauve et sa délicate proie. Son regard d’or en disait long, il désapprouvait totalement. Il désapprouvait entièrement cette attitude humaine. Le simili l’affronta un instant, avant de détendre ses traits et de faire un pas en arrière. Il reprit son large sourire, comme si rien de ce conflit n’était arrivé. Ce sourire, ce sourire qui se fit un peu plus large quand il réalisa. Quand il réalisa qu’il pourrait pleinement accomplir sa vengeance, même s’il ne pourrait la tuer.

Elle était à sa merci, après tout.

Nul ne s’en prend à Nox sans en subir les conséquences.