Elle marchait, de si, de là. D’apparence, et si l’on faisait abstraction de sa tenue toujours très courte – mais dont elle était sans doute la seule à se foutre royalement – Jupiter n’était pas différente de n’importe quelle personne de San Fransokyo. Enfin, non. Ce n’était pas entièrement vrai. Car n’importe quelle personne’ saine d’esprit ne serait pas venue se perdre dans ce genre de quartier mal famé sciemment. La bleutée, elle, avait suivi sa curiosité et surtout son envie malsaine d’aller taper sur quelques sans cœurs. Elle en avait vu trainer dans cet endroit et, tant qu’à faire, autant aller se distraire en les détruisant, pas vrai ?

Il lui semblait que sa dernière tuerie ténébreuse remontait à pas mal de temps. C’était faux, bien sûr, mais Jupiter n’avait aucune notion correcte du temps. Elle ne vivait plus vraiment depuis la disparition de sa sœur, il est vrai, et les reliques humaines qui auraient pu lui être utiles sur le long terme s’étaient envolées en même temps que sa natale contrée. Quoi qu’il en soit, elle venait d’arriver au fond du ruelle, là où pullulait la racaille sans-cœur à foison. Un sourire se dessina sur son visage. Ce rictus n’avait rien de rassurant.

Ceci étant dit, en sentant une présence tout à fait différente dans son dos, Jupiter fit volte-face, et entreprit d’observer les environs. Est-ce que c’était ce drôle de garçon aux cheveux verts qui l’avait suivi ? Elle eut un doute mais ne resta guère longtemps campée sur ses positions. Ses pieds se dirigèrent vers la silhouette qui n’avait rien de commun avec celle qu’elle venait de quitter, un peu plus tôt dans la journée.

Et un éclair de génie lui vint, de nulle part. Oh, mais, et si c’était le type qui l’avait sauvé lorsque son monde avait été détruit ?! La bleutée venait de constater la présence d’une Keyblade dans la main du sombre damoiseau et s’élança d’autant plus vite vers lui, en sautillant – faisant ainsi remuer sa poitrine d’une manière absolument pas décente. Peut-être qu’il voudrait se joindre à elle pour rosser du Sans-cœur ? Et puis, peut-être qu’il pourrait avoir des infos à lui filer aussi ! L’une dans l’autre, ces perspectives étaient des plus intéressantes aux yeux d’améthyste de la demoiselle.
Elle sortit sa keyblade et lança cette dernière juste au-dessus de la tête du jeune homme, avec un grand sourire mi-enfantin mi-sadique sur les lèvres ; un sans-cœur avait apparemment entreprit d’aller semer la pagaille dans ses cheveux et ça, nope, Jupiter ne l’aurait pas permis !
Arrivée à bonne distance, la manieuse se stoppa et leva sa main en signe de ‘petit coucou’. « Coucou mon loulou ! ». Un rire étrange suivit la déclaration alors que Pain of Solitude revenait entre ses doigts. « Ça fait longtemps que je ne t’avais pas vu ! Tu viens détruire du sans-cœur avec moi ?! On va bien s’amuser je pense ! Il faut juste trouver la maman… Parce qu’ils sont vachement nombreux quand même ! »

Logique a tout casser made in Jupiter, bien sûr.

C’est bizarre, il n’agissait pas vraiment comme elle s’y était attendue. Bon, en même temps, Jupiter avait rapidement faussé compagnie à celui qui l’avait sortie des ténèbres il y a quelque années, du coup, le fait de ne pas bien se souvenir de son visage, de sa posture ou autre n’était pas, en soit, si exceptionnel que cela pouvait paraitre l’être. Elle avait toujours son sourire sur le visage. Oh, chouette ! Il acceptait de se battre à ses côtés ! Elle avait pouvoir frimer un peu avec sa superbe technique électrique, celle dont elle n’était pas peu fière ! Mais d’abord…

« Moooh, t’es un peu grognon quand même, je sais viser heiiiiin ! Si j’avais vraiment voulu te tuer, nous ne pourrions plus nous parler maintenant, héhé ! ». Elle avait un comportement paradoxal. Ses mots étaient ceux d’un potentiel assassin mais ses agissements, ceux d’une enfant. Ça c’était précisément ce que je Jupiter était. Une femme-enfant, perdue entre deux âges, deux concepts différents, larguée dans un univers pour elle bien trop grand. Mais elle ne s’arrêta pas à ce petit ‘point de détail’, si tant est que l’on puisse réellement considérer la chose sous cet angle de vue. « Neh ! Puis sois gentil de pas me vouvoyer, je suis pas vieille non plus ! On est pas vieux à vingt ans d’abord ! » ajouta-t-elle tout en tirant la langue. Enfant.

Tout en se retournant en direction du fond de la ruelle, Jupiter commença à se concentrer pour rassembler la magie électrique sur sa Keyblade, qu’elle vint embrasser. Enfin, la force de foudre fut relâchée dans son corps et la bleutée entama sa course à toute vitesse, devenant, l’espace d’un instant, un simple flash bleu qui éliminait sans scrupule aucun ces créatures venues des abysses de ténèbres. « Rentrez-chez vous, y’a pas de place pour vous ici ! »

Aucune colère dans sa voix, une simple constatation.

Et puis, lui vint la lubie de vouloir chanter. Sans bien réfléchir, elle récita les paroles d’une berceuse, vaguement prononcée, parfois. Souvenir de son enfance, sans doute le seul et unique qu’elle possède de sa mère. Ce chant, supposé clair et apaisant, devenait dans sa bouche vicié et prompt a terrifier. Jupiter n’était réellement pas la personne idéale pour être considérée comme ‘normale’. Plus encore, la voici qui riait, encore et encore, alors que sa tâche était loin d’être terminée. « Bon alors, tu viens ou pas ? Tu veux pas me laisser faire tout le boulot, j’espère ! »

Ajoutons à ça toute la familiarité du monde – malvenue, de surcroît – et jackpot.

Oh ! Bon, bah, finalement, Jupiter avait peut-être un peu sous-estimé ce garçon. Bon, après tout, dans sa tête, il était celui qui l’avait sauvé, plus ou moins, lors de la destruction totale de son monde de naissance. Elle continuait à rire, à s’élancer contre ses adversaires et à chantonner. Une machine de guerre avec l’esprit d’un enfant. Incompatibilité probante, certes, mais elle existait tout même. Car Jupiter, de son nouveau nom, était une anomalie. Ni plus, ni moins. Elle ne combattait pas pour la justice, pas plus qu’elle n’était motivée par la liberté d’autrui au fond. Non, tout ce qu’elle voulait, c’était empêcher d’autres personnes de perdre des êtres chers, comme elle, comme Ollie. Ca et… le fait qu’elle adorait taper sur des sans-cœurs et des similis, bien entendu. C’était presque son passe-temps favori, d’ailleurs.

Nouveau rire lorsqu’elle se retrouva dos à dos avec l’inconnu qui ne l’était plus tant que cela. Rajon Weiss ? Elle notait ce nom dans son esprit, quelque part au chaud. C’est vrai qu’elle n’avait jamais pris le temps de demander son identité à son ‘bienfaiteur’ lors de son passage du statut de simple civile à celui de Manieuse de Keyblade. Elle ne perdait pas son sourire. « C’est joli, je trouve ! Weiss... On dirait une fleur ! ». Elle tua quelques sans cœurs avant de reprendre. « Moi c’est Jupiter ! J-U-P-I-T-E-R ! Jupiter ! ». Une nouveau vague essaya vainement de la toucher mais sa magie de foudre suffit à l’annihiler. « Et d’accord pour le jeu ! Mais tu vas voir, je vais gagner ! Je suis super forte à ce genre de défis, d’abord ! »

Son semblant d’habit paraissait peiner, à certains moments, à suivre sa course poursuite dans cet espace réduit. « Tu vas voir, on bien s’amuser, tu ne regretteras pas de m’avoir sauvée ! ». Deux fois, qui plus est. Mais elle n’ajouta rien de plus de ce genre. Par contre, elle était curieuse, un peu.

« Elle est pas mal ta Keyblade ! Elle s’appelle comment ? La mienne, c’est Pain of Solitude ! T’as vu comme elle est jolie ?! En plus, elle est assortie à mes yeux, et ça, c’est vraiment la classe, tu trouves pas ?! ». Parce que pour Jupiter, tout prenait une dimension autre. Ce que les autres voyaient, elle l’appréhendait toujours différemment. Peut-être était-ce parce qu’elle avait tout perdu et se raccrochait à l’illusion d’un masque ou peut-être était-elle réellement devenue ainsi. C’était un mystère, même pour elle. Non, en réalité, elle ne se posait même pas la question de savoir ce qu’il en était. Ça demandait trop de travail que de réfléchir comme ça !

C’était drôle ce petit jeu, tout de même ! Et puis, c’était tellement rare, déjà, que des gens acceptent d’adresser la parole à Jupiter, mais alors jouer avec elle… La demoiselle en était ravie ! Probablement ne voudrait-elle pas lâcher le jeune homme de sitôt par la suite ! En plus, étant donné la certitude qu’elle avait en son sein – sans mauvais jeu de mot à ce sujet – concernant cet individu, ce n’était pas vraiment une optique pour elle de le laisser filer. Elle voulait rattraper un peu la chance gâchée qu’elle avait eu de l’interroger il y a quelques années. Dans sa tête, la logique n’avait plus vraiment de place, présentement.

Jupiter se fait tout à coup la réflexion qu’elle aime bien sa voix et sa façon de faire, il est doué ! Et puis il a l’air gentil. « C’est gentil de me complimenter ! Tu sais, toi aussi tu as des jolis yeux ! Dommage qu’ils soient jaunes, mais bon, ils sont jolis quand même ! ». Elle rit tout en massacrant un sans-cœur un peu trop téméraire qui passait près d’elle. Tout est normal, bien sûr. Sauf que Jupiter est tout de même humaine et elle se fatigue. Déjà son poul s’accélère et elle utile, encore, sa fameuse technique du Flash, tournoyant sur elle-même cette fois, Pain of Solitude en main afin de dégager un passage à travers le marasme sombre. « J’en ai eu plein d’un couuuuup ! » exulte-t-elle, toute fière de sa performance.

S’il veut jouer, très bien, ils allaient jouer. Il verrait de quel bois est fait la demoiselle excentrique. « Oh tu sais, tu pourras jamais me faire plus mal que lui ! ». Elle ne donnait pas de détail, comprendrait qui voudrait. Ici, il était question de son géniteur, qu’elle ne considérait même pas comme un père. Lui qui l’avait maltraité, malmené, trop de fois gommé son sourire et celui d’Ollie…. Non, même en imaginant le pire, ce Rajon ne pourrait jamais égaler cette ordure. Et c’était tant mieux. Elle avait défait le sans cœur qu’il était devenu et ne tenait pas spécifiquement à s’en souvenir.

D’autant plus que le flux de sans-cœurs paraissait se tarir de plus en plus. « Ooooh ? On arrive bientôt au bout du bout, tu crois ?! ». C’était une possibilité, les ‘gisements’ de ténèbres étaient nombreux mais rarement très prolifique. C’était une occasion à ne pas louper, nettoyer cet endroit était une bonne chose, tant pour elle que pour l’univers. C’est ce qu’Ollie aurait souhaité, pas vrai ? Oh mais, d’ailleurs, elle se pose une question, Jupiter. « Au fait ! C’est quoi l’armée ? C’est un groupe de musique ? »

Sur son monde, il n’y avait jamais eu ce genre d’organisation. Peut-être parce que l’harmonie y régnait ? Enfin, presque.

A deux, le travail était toujours terminé plus vite. Jupiter venait encore une fois de le constater et en était tout de même assez contente. Mine de rien, elle commençait à fatiguer sévère à force d’utiliser sa fabuleuse technique à tort et à travers. Ouai, niveau gestion de l’énergie, c’était pas encore ça… Quoi que, même en essayant de voir les choses du bon côté, il n’y avait que très peu de chance que la demoiselle puisse un jour apprendre correctement à doser ses jets d’énergies dans les combats.  C’était ainsi qu’elle était faite, pour marcher à l’instinct. La stratégie, ça pouvait lui convenir, mais guère plus de cinq minutes. Et puis bon, le médecin qu’elle avait consulté une fois lui avait dit qu’elle mourrait de sa maladie hormonale, de toute manière. Quitte à ne vivre qu’une fois et de façon éphémère, autant ne pas trop se prendre la tête avec des données complexes, pas vrai ?

Oui, bien sûr, sauf qu’en attendant, ses jambes commençaient sérieusement à trembler. Elle le savait, elle n’aurait plus beaucoup de réserves après le prochain coup qu’elle porterait. Bon, elle cessa de rire pour essayer de trouver un semblant d’idée qui l’a sortirait – dieu savait trop comment – de ce foutoir. Les sans-cœurs disparaissaient à un rythme régulier, c’était une bonne nouvelle.

Rajon vint se planter juste en face d’elle, ce qui permit à Jupiter de le regarder droit dans les yeux, sans détourner son regard. Ah oui, c’était vrai qu’elle ne lui avait pas vraiment répondu tout à l’heure … Elle se cogna elle-même la tête. « Oups, désolée, ça m’arrive parfois d’oublier ce qu’on me demande ! J’ai une petite mémoire, tu sais… Mais nope, je ne viens d’ici ! En vrai je me suis un peu paumée en arrivant à San Fransokyo, puis j’ai dormie sur une tombe où j’avais pas le droit de dormir, puis j’ai rencontré un drôle de garçon aux cheveux verts et… bref ! Je cherchais un passage pour partir d’ici quand je suis arrivée dans cette ruelle. C’est bête, hein ? J’ai jamais vraiment eut le sens de l’orientation, je crois… »

Et ses yeux de femme-enfant captèrent l’étincelle de tristesse qui passa sur les pupilles jaunes de son homologue Manieur de Keyblade. D’instinct, et sans réfléchir davantage, comme à son habitude, Jupiter leva une main gantée vers la joue du jeune homme, caressant doucement le derme plus sombre que le sien. « Tu sais, faut pas être triste. Même si cette ‘armée’ à l’air super méchante, t’es loin d’elle maintenant, alors il faut penser comme ça ! De toute manière, c’est la seule chose que l’on puisse faire, avancer ! On n’a pas trop trop le choix en plus… on est des manieurs de Keyblades après tout. Mais ça, tu me l’avais déjà expliqué avant ! C’est drôle que je doive te refaire la leçon ! »

Elle s’enfonçait de plus en plus dans un délire inutile, comme à l’accoutumée, en somme.

En voilà une affaire vite expédiée ! Jupiter ne savait pas vraiment si ça faisait dix minutes ou une heure qu’elle écrabouillait du sans-cœur mais une chose était certaine : cela lui avait procuré un plaisir sans pareil. Elle se sentait bien, désormais. Fatiguée, mais bien. Elle n’entendait presque plus ce sifflement permanent dans ses oreilles, alors c’était une chose des plus positive, à son sens. Les ruelles étaient maintenant plus sures – tout du moins, en ce qui concernait les sans-cœur, ce qui était toujours ça de gagné – et même l’air paraissait moins lourd à respirer. Son visage regagna un sourire, sincère cette fois-ci.

Rajon lui faisant toujours face, il nier en bloc être celui qui l’avait sauvé, auparavant. « Ah… mais ! ». Et puis, avant de continuer sur sa lancée de protestation, Jupiter connecta ses trois neurones. Ah, mais oui, bien sûr… Ce ne pouvait pas être lui. Ils paraissaient avoir le même âge tous les deux, hors celui qui l’avait tiré des ténèbres étaient déjà adulte lorsqu’elle n’était qu’une adolescente. Pour le coup, elle se sentait bête. Croisant les bras sur sa poitrine, elle visa le parterre de ses yeux violacés. « C’est vrai que maintenant que tu le dis… »

Un soupire passa la barrière de ses lèvres. Décidément, elle n’aimait pas avoir de fausses joies. Pour un peu, elle aurait presque boudé. Presque.

Autour d’eux, la nuit venait de tomber, les isolant presque hors de portée du reste du monde, dans un endroit bien à part. Drôle de sensation que voici. Jupiter redressa la tête à la proposition du Weiss. « Oh bah ça, c’est super méga gentil de ta part ! Mais… Pourquoi t’es tout rouge ? T’es malade ? T’as de la fièvre ? ». Elle vint ensuite coller son front au sien, sans demander la permission au préalable. « Non pourtant, t’as pas l’air d’avoir de fièvre… hum. »

Elle s’éloigna un peu plus de lui, d’une distance d’une enjambée, environ. C’est là qu’elle vit deux grands yeux jaunes immondes qui les fixaient depuis les hauteurs. Oh bah, voici la ‘maman’ sans-cœur, semblerait-il. « Wouah, qu’est-ce que t’es moche, toi, alors ! ». Elle pouffa avant de regarder Rajon « Pas toi hein, la maman sans-cœur juste au-dessus de toi, ahah ! ». Sans un mot supplémentaire, Jupiter sauta dans les airs, concentrant toute sa magie de foudre pour l’envoyer craqueler la surface de l’adversaire. Puis, elle retomba au sol, incapable d’un mouvement supplémentaire. Ses jambes croulèrent sous son propre poids. L’ennemie était toujours là, affaiblie. Mince, elle n’avait plus assez d’énergie en stock pour l’achever toute seule. Elle espérait que Rajon pourrait le terminer, sinon elle risquait de prendre cher, très très très cher.

Rah, flûte. Elle ne pouvait plus se lever. Bon, okay, elle sentait toujours ses jambes, là n’était pas le souci, mais Jupiter ne pouvait plus tenir debout pour le moment. Courir était absolument hors de question et tout autre activité similaire n’aurait pas été dans ses cordes, de toute manière. Bon tant pis, ce n’était pas très grave en soit. Ce n’était pas comme si l’immense sans-cœur allait résister très longtemps de toute façon. Avec ses éclairs, Jupiter l’avait presque démoli, il suffisait d’un petit coup de pouce supplémentaire et le tour aurait été finement joué !

… Ou pas.

Visiblement, Rajon n’avait pas bien compris qu’elle n’était pas blessée mais seulement très fatiguée. Oh, tiens, d’ailleurs, un coup de barre intense s’empara de la bleutée. Comme si de rien n’était, elle bailla, ouvrant grand la bouche –mais en observant les règles de politesse basique et couvrant ses mâchoires avec une main gantée. Elle vint ensuite frictionner ses yeux, comme une fillette. Encore un point qui alimentait le paradoxe vivant qu’était cette manieuse de Keyblade. Elle étira les muscles de ses bras avant de répondre à Rajon « C’est gentil mais je n’ai pas été blessée, je suis juste super crevée, il faut que je me repose et après ça ira mieux tu sais ! »

Puis, à voir son homologue bien galérer avec le reste du sans-cœur, Jupiter se dit que, tout de même, elle ne pouvait pas rester inactive ! Okay, elle ne pouvait plus bouger mais ce n’était pas une raison de le laisser s’amuser tout seul… non mais oh ! Pain of Solitude réapparue alors dans ses mains et, d’un geste souple, la jeune femme un brin folle lança son arme, laquelle fit directement mouche dans l’un des yeux de l’adversaire, le crevant sur le coup. « Voilà, tu ne devrais plus avoir trop de mal à le terminer en un coup, maintenant ! »

Elle encourageait son camarade comme elle le pouvait. Sa vision commençait à se brouiller mais elle fit de son mieux pour ne pas y penser. Ses acouphènes revenaient, inlassablement. Elle espérait simplement que, si elle s’endormait d’épuisement, ils l’a laisseraient un peu en paix. Le temps d’oublier un peu ce monde et tout ce qu’il contient. Comme tous les autres. Car, au fond, l’errance de Jupiter n’était qu’une suite de très longue répétition. L’avenir, pour elle, n’était jamais rien d’autre qu’un très long passé. Elle ne voyait pas au-delà, c’est pour cela qu’elle ne cherchait jamais à fuir non plus, même lorsqu’elle avait l’occasion. A quoi bon ? Un jour ou l’autre, tout finirait par recommencer, encore.

Tout ce qu’elle pouvait faire, au fond, c’était attendre. Attendre encore, attendre toujours. Jusqu’au jour où elle pourrait enfin revoir Ollie. Jusqu’au jour où elle pourrait se reposer et ne plus penser, lorsque les ténèbres l’auront entièrement dévorée. Pas avant. Mais la torpeur prend peu à peu le pas sur tout le reste.

Il fallait tout de même avouer qu’il ne se défendait pas si mal que ça Jupiter le regardait faire, malgré la fatigue qui l’assaillait de part et d’autre de son anatomie. En même temps, si une Keyblade l’avait choisit comme manieur, c’était qu’il devait y avoir une raison, non ? La bleutée le regarda faire en souriant, attendant qu’il finisse cette monstruosité. Elle ne doutait pas qu’il y arriverait, ensemble, il avait réussi à faire face à toute la horde de tout à l’heure, non ?

Ses pressentiments furent assertés dès lors que la masse obscure fut vaincue et renvoyée là d’où elle venait. C’est-à-dire : loin d’eux. Jupiter voulue féliciter le jeune homme mais il ne lui en laissa pas le temps. Déjà, elle se retrouvait sur son dos, la poitrine écrasée contre son dos. Elle bailla avant d’accrocher ses bras au cou de Rajon, histoire de ne pas tomber. Elle n’avait plus vraiment de se faire mal, ce soir. Trop fatiguée pour cela elle était.
« Tu sais… T’aurais mieux fait de me porter comme une princesse, parce que là j’ai un peu mal aux seins… Sauf si t’as trop mal aux bras et là, je comprends, c’est pas grave. »

Elle sentait pourtant un certain besoin de discuter, juste comme ça, comme si la rencontre avec le sans cœur n’avait pas eu lieu. C’était la première fois depuis ce qui lui semblait être une éternité, qu’elle n’avait plus été aussi proche d’un autre être humain. Et le jeune Heiwa ne comptait pas dans l’équation, elle ne s’était pas jeté sur lui pour l’assaillir, ils avaient juste… beaucoup parlé. Ce qui était un progrès en soit, mais pas la même chose que présentement. « C’est gentil de me transporter en tout cas. »

Elle reprit son souffle en regardant le ciel nocturne « Tu habites loin d’ici, au fait ? Parce que je voudrais pas que tu me portes sur vingt bornes, tu risques déjà de t’écrouler et tout. » Elle pensait un peu aux autres, oui. De temps en temps, ça arrivait à Jupiter de montrer ce genre de facette. Mais c’était rare, d’où la préciosité de la chose. « Ça fait longtemps que tu manies ta Keyblade, au fait ? Elle s’appelle comment ? Elle est venue à toi toute seule ? »

Parce que oui, au final, Jupiter n’y connaissait pas grand-chose, à ce qu’elle avait appris avec son instinct pour seul guide. Magnifique décadence.

Jupiter ne prêtait pas vraiment attention à ce qu’elle voyait tout autour d’elle et de Rajon. La miss était épuisée et ses sifflements d’oreilles étaient plus forts que jamais. La fatigue, sans doute. C’était toujours comme ça. Mais c’était agaçant au possible. Cependant, pour le moment, elle préférait se concentrait sur ce qu’elle voyait et touchait. Rajon était un catalyseur au cœur de cette tempête épuisante. Pour l’heure, Jupiter ne pouvait se raccrocher qu’à lui, à sa voix. Elle ne voulait pas s’endormir, pas maintenant. Elle n’en avait pas envie. Alors, faisant fonctionner un peu ses méninges, elle se concentrait attentivement sur ce que Rajon lui disait, pour répondre à ses questions précédentes. Oh, Fenrir. C’était un joli nom, en soi. Jupiter se laissa aller un peu à sourire. Ça lui faisait du bien, un peu.

Lorsqu’il avait dit avoir parlé avec sa Keyblade, la jeune femme l’avait cru. Il lui était déjà arrivé, elle aussi, de rêver d’une discussion entre elle et Pain of Solitude. Ce n’était pas ce genre de déclaration qui allait l’étonner outre mesure, donc. Elle se laissa guider – quoi que porter eut été un terme bien plus seyant à cette situation – jusqu’à chez le dénommé Rajon. Il la porta même jusqu’à un lit, un vrai lit. Depuis combien de temps Jupiter n’avait plus vue une installation pareille, au juste ? Elle qui était habituée à dormir par terre, à même le sol dans le pire des cas ou sur une tombe comme c’avait été le cas dernièrement, c’était un peu exceptionnel à ses yeux. Pourtant, elle se laissa aller à sourire.

Une fois qu’elle eut reposé un peu ses jambes, elle se redressa un peu et parvint à marcher un peu jusqu’à ce qui semblait être une autre chambre. Peut-être que Rajon y était. Dans le doute et, pour une fois ne voulant pas en faire trop – l’épuisement était toujours là, planant tout autour d’elle et de sa silhouette inconstante – elle toqua à la porte. « Rajon ? C’est moi, Jupiter. » Elle ne pensa pas un instant que sa phrase d’accroche manquait totalement de logique. Qui cela aurait-il pu être d’autre ? Passons. Elle reprit. « Je suis désolée si j’abuse un peu mais je me demandais si je pouvais t’emprunter ta salle de bain, s’il te plaît ? »

Bien sûr, s’il refusait, elle n’irait pas à l’encontre de cette décision, mais il est vrai qu’elle n’avait plus prit de douche depuis un bon moment maintenant. De vraies douches, là encore. Et se laver dans des fontaines ou des lacs, c’est comme tout, ça va un temps. La sensation de chaleur sur son derme froid lui manquait.

Il était gentil, Rajon. Jupiter lui sourit alors qu’elle se dirige vers l’endroit indiqué. Une salle de bain. Une vraie salle de bain. Depuis combien de temps n’en avait-elle plus vue ? Elle ne le savait pas vraiment. Mais plutôt que de se poser mille questions existentielles, Jupiter préféra – et de loin – ne plus penser à rien. Elle ôta le peu de vêtement qu’elle était habituée à porter par tous les temps et entra dans la cabine de douche. Elle hésita un instant avant d’actionner les robinets, comme si elle n’était plus vraiment certaine de savoir comment on s’y prenait. Finalement, sa pseudo crainte passé, elle savourait le contact suave de l’eau sur sa peau.

Le liquide était chaud, agréable. Il lui rappelait tant de chose et si peu à la fois. Petite, elle était habituée à prendre ses douches et bains avec Ollie. Ah. Un mal de crâne la prend alors, la forçant à s’appuyer sur le mur le plus proche tandis qu’elle se mord la lèvre inférieure jusqu’au sang. Ollie, Ollie, Ollie. Ce qu’elle pouvait lui manquer. Jupiter avait un trou dans le cœur. De soir plus que jamais. Etait-ce le fruit de la fatigue ? Une simple hallucination ? La bleutée préféra ne pas se poser de question outre mesure. Une fois shampooinée, douchée et rincée, elle sortit de son petit havre de paix éphémère et ses mains se combinèrent pour attraper un long peignoir pendu là. Sa migraine commençait à se calmer mais elle restait présente, désagréable.

Récupérant ses affaires, Jupiter s’exila de la salle de bain, frappant juste un peu à la porte de Rajon pour lui signaler qu’il pouvait disposer à son tour des lieux. De retour dans la chambre que le jeune homme lui prêtait, la jeune femme tomba presque sur le matelas, en savourant la texture tendre. Et puis, les minutes passèrent, les sifflements à ses oreilles se firent plus désagréables encore. Jupiter avait froid. Au cœur, par au corps, cette fois. Elle n’avait pas envie de rester seule ce soir. Alors, se relevant presque comme un pantin désarticulée, l’expatriée bien loin de chez elle se glissa dans la chambre voisine et réitéra l’opération, se laissant tomber sur le seul lit visible. Elle ne savait pas trop si Rajon allait râler mais pour le moment, c’était ainsi. Comme d’habitude.

D’ailleurs, recroquevillée sur elle-même, protégée par ce peignoir qui tranchait avec sa peau très pâle, Jupiter osa fermer les yeux. Elle commença presque à somnoler.