Dès la première seconde, on remarque que Ethan est un garçon bienveillant. Il se dégage de lui une gentillesse sincère, et sa présence a quelque chose de rassurant. Garçon au grand cœur, il est attentif aux autres, et apporte son aide sans contrepartie. Mais l’altruisme d’Ethan ne se limite pas au cas d’urgence : le jeune homme est conscient que ce sont parfois les petits gestes du quotidien qui ont de l’importance. Ainsi, il accorde de son temps aux autres, et tente de rendre leurs vies un peu plus agréables. Mais outre sa gentillesse, Ethan est aussi un garçon humble et mature. Parfois, sous son sourire, on devine un jeune homme qui a connu une histoire tragique. Pourtant, il continue d’avancer, et profite de la vie à sa manière. Modeste, il ne se considère pas exceptionnel, et considère qu’il a toujours des choses à apprendre, même de la bouche des plus jeunes. Paradoxalement, c’est aussi ce trait de caractère qui a rendu Ethan sage, et de bon conseil. Il déteste faire la morale, et préfère pousser les gens à s’interroger sur eux-mêmes. Ce sont ces nombreux traits de caractère qui font aussi d’Ethan un garçon juste : il a toujours été capable de faire la différence entre le bien et le mal, et ne juge pas une personne selon son alignement, mais davantage selon ses actes. Les choses sont souvent plus complexes qu’elles ne paraissent l’être, et Ethan en est conscient.
Ethan a toujours été un garçon intelligent : calme et réfléchi, il lui arrive pourtant de se laisser influencer par ses sentiments. Car Ethan est avant tout un garçon très humain, à commencer par sa manière de se comporter. Même s’il est altruiste, il reste naturel : il n’aime pas se cacher sous des apparences, et préfère dire les choses sincèrement. Heureusement pour lui, son sourire chaleureux à tendance à le rendre attachant. Ethan n’est pas non plus dépourvu d’esprit : il lui arrive de plaisanter quand l’occasion se présente, ou même de jouer de sa répartie dans une ambiance légère, ou bien de compétition. Toutefois, Ethan n’est pas du genre cruel, et restera toujours respectueux et bon enfant dans ses paroles.
Courageux. Voilà l’autre visage d’Ethan. S’il considère que la cause est juste, il ne reculera pas. Peu importe la force de son adversaire : il fera front aussi longtemps que nécessaire. Quitte à se battre jusqu’à l’épuisement. Protéger son prochain, et plus encore ses proches, voilà la véritable motivation d’Ethan. Car au fond, Ethan est terrorisé à l’idée de perdre une personne chère à son cœur. Voilà pourquoi il est prêt à se battre : pour ne plus jamais abandonner quiconque, peu importe le prix.
Toutefois, Ethan reste malgré tout un jeune homme comme les autres, et il porte son lot de remords et de faiblesse. À l’heure actuelle, Ethan émet encore des réserves à l’idée de trop s’attacher à une personne. Même si son caractère le pousse vers les gens, et même s’il se lie facilement d’amitié, il redoute aussi ce sentiment. Car Ethan a peur ; peur de perdre les gens qui l’entourent. Mais le courage consiste à affronter ses peurs, et pour cette raison, Ethan refuse de se renfermer sur lui-même. De même, Ethan doute de sa valeur en tant que porteur de la Keyblade. Et pourtant, il est conscient que c’est cette arme qui lui donne la force nécessaire pour protéger ceux qui lui sont chers, et défendre l’équilibre des mondes. Alors, il continue de brandir la clef en dépit de ses doutes. Mais surtout, Ethan est un garçon droit, juste et loyal : il est incapable d’abandonner une personne qui a besoin d’aide. Ni inconnu, ni ennemi. Même s’il fallait plonger dans un océan de flammes pour sauver un despote des griffes de la mort, Ethan n’hésiterait pas. Car c’est là son sens de la justice.
Car Ethan a le cœur d’un ange, et la bravoure d’un lion.
Les volutes ténébreuses dansaient contre les portes en bois de chêne, comme des flammes qui lécheraient avidement du bois sec. Pendant quelques secondes, les bruits de combats retentirent. Puis, plus rien.
C’est alors que ma gorge se déchira dans un hurlement. * * *
Je ne me souviens pas de grand-chose avant mes cinq ans. Bien sûr, quelques bribes de souvenirs traînent encore dans ma mémoire, des moments éphémères qui traversent parfois mon esprit et m’arrachent un agréable sourire. Mais contrairement au reste, je revois très distinctement ce jour-là. Celui de mon premier combat. Mes doigts étaient tellement crispés autour de mon épée que le métal aurait pu se briser d’une seconde à l’autre. J’étais surexcité : mon cœur battait à tout rompre, pulsant des litres de sang dans ma tête et mes jambes. Je brûlais d’impatience. Face à moi, un homme immense. Il mesurait près d’un mètre quatre-vingt, et avait la carrure d’un géant. Ses cheveux grisonnant remontaient sur ses tempes, et son regard métallique était si tranchant qu’il était difficile de savoir si cet homme était humain ou non. L’arme entre ses mains était sûrement plus grande que moi : une garde anguleuse, une lame cylindrique, et à son extrémité, une proéminence en forme de couronne. Une Keyblade. L’homme face à moi était mon père.
Je m’étais élancé comme un beau diable, mais avant même que j’arrive à sa hauteur, un puissant coup horizontal me projeta sur le côté. Mon corps tomba lourdement sur le sol, et roula dans l’herbe rase. J’avais le souffle coupé, comme une boule de plomb dans les poumons. Ma respiration était lourde, et mes yeux, hagards, cherchaient frénétiquement l’épée d’acier que j’avais égarée durant l’assaut. Elle était à quelques mètres de moi à peine. Trois, au maximum. Mon sang ne fit qu’un tour. Je m’élançais droit sur elle, et tandis que je roulais sur le sol pour retrouver mon équilibre, mes doigts s’enroulèrent autour du pommeau. Mais dès que mon corps se redressa, je sentis le contact froid et mordant et l’acier contre ma gorge. Une respiration étouffée s’échappa de mes lèvres, tandis que deux yeux gris me transperçaient littéralement du regard.
« Tu es mort. »Je fermais les yeux et baissais la tête. Puis, plus rien. Un long silence pesa dans la cour extérieure. Après quelques secondes, la voix de ma mère résonna doucement.
« Tu es trop dur avec lui chéri. Ethan a été exceptionnel tu sais ? »« Peut-être, renchéri finalement mon père, mais s’il ose défier son père à cinq ans, alors il a besoin d’apprendre l’humilité. N’est-ce pas, Ethan ? »« Je… Je suis désolé. »Depuis mon plus jeune âge, j’avais été désigné pour porter l’héritage de ma famille. La clef. Celle-là même que mon père avait entre ses mains. Car depuis la nuit des temps, il était de notre devoir de protéger ce monde des ténèbres et de préserver l’équilibre. Nous, la lignée Schwartz, Rois et Reines du monde de Calhaan.
Souvent, mon père me racontait que n’étions pas les seuls à posséder ce pouvoir. Que par-delà les étoiles gisaient de nombreux mondes, chacun étant un fragment de la lutte entre la lumière et les ténèbres. Or, la tâche des Porteurs de la Clef étaient de préserver l’équilibre de ces mondes. Mais nous étions différents, nous, qui étions chargés de protéger Calhaan. Nous n’étions pas Rois, mais nous n’étions pas non plus cupides. Nous étions juste des gardiens, dont la tâche était de préserver le cœur de Calhaan des ténèbres. À n’importe quel prix. J’avais longtemps ignoré la signification de cette phrase, venant de l’homme qui m’avait raconté que l’équilibre reposait sur le fait que la lumière et les ténèbres avaient chacun envahis le cœur des mondes. Ce n’est que quelques années plus tard que j’ai appris la réponse : le cœur de Calhaan était un concentré de ténèbres. Et si les Sans Cœurs, entités des ténèbres, venaient à s’en emparer… Alors, une créature indomptable naîtrait dans la croute même de notre monde, et se mettrait en quête de davantage de cœurs. C’était pour cette raison que nous étions ici, nous qui aurions dû arpenter les mondes pour apporter la paix. Nous ne devions quitter Calhaan sous aucun prétexte.
Je n’ai jamais été formé en tant que Prince, mais bien en tant que Disciple de la Keyblade. Les entraînements furent rudes, et les cours interminables. Et pourtant, cette éducation m’accorda toutes les connaissances nécessaires à un Porteur de la Clef. La Guerre des Keyblades, les entrechemins : autant de choses que j’aurais aimé voir de mes propres yeux. Mais j’avais une tâche à accomplir. Je n’obtins pas ma Keyblade avant l’âge de mes douze ans, après ma Cérémonie de Succession. Ce fut cette même année que je devins grand-frère.
Liselotte, ma petite sœur, fut une nouvelle source de motivation pour moi. Ainsi, j’appris à manier la Clef avec toute la motivation et l’énergie nécessaire à un jeune porteur. Mon père fut un maître tyrannique, mais particulièrement attentif à mes compétences. Heureusement, mon père était aussi un homme plein de sagesse, de gentillesse et d’énergie. Et les entraînements terminés, nous passions de longues minutes à discuter et à rire sous les cerisiers du jardin. Ma mère, elle, était une grande dame à tous les égards : nobles, douce, intelligente et distinguée. Même mon père, pourtant si droit et juste, semblait parfois être un rustre à côté d’elle. Mais tous deux étaient chargés d’amour pour leur peuple, et pour leurs enfants.
Toutefois, mon apprentissage fut loin d’être paisible. Apprendre à dompter les nombreux aspects de la Keyblade fut un travail de longue haleine, et dompter la magie fut une tâche plus laborieuse encore. Mais le plus difficile fut sans doute de rivaliser avec les compétences de mon père. Après des années sur les champs de batailles, il était devenu un combattant redoutable. Aujourd’hui encore, j’ignore si j’aurais été en mesure de l’affronter d’égal à égal. Alors que les années se succédaient, ma sœur grandissait paisiblement. La petite Liselotte devint une adorable jeune fille, aimante, souriante et curieuse de tout. Nous vivions une vie heureuse, et parfois, j’avais du mal à imaginer que les ténèbres guettaient le moindre de nos mouvements.
Jusqu’à ce que mon père accepte que je l’accompagne hors de l’enceinte de la ville.
Depuis longtemps déjà, je connaissais l’existence des Sans Cœurs. Pourtant, même en sachant cela, je n’ai réalisé pleinement la menace que le jour où je les ais rencontré. Hors des murs de la ville, de vastes marées noires pullulaient dans le paysage, comme de grosses tâches d’encres recouvrant la verdure. D’autres créatures, moins furtives, se dandinaient grotesquement sous une armure aussi blanche que des os, claquant mécaniquement comme l’aurait fait un squelette ambulant. Ce tableau s’étendait à perte de vue, peut-être même jusqu’aux confins de l’horizon. Seuls les murs de la ville nous protégeaient, de grands édifices recouverts d’un grand cristal lumineux. Une pierre artificielle, inspirée de la Pierre Angulaire. Mais tout à coup, cette grande avancée technologique me sembla bien risible. Pourtant, c’était là notre seul rempart contre ces créatures. Ce soir-là, je réalisais la vraie nature de mon héritage. J’avais toujours rêvé de découvrir les autres mondes. Mais à la fenêtre, je comprenais combien le rôle que j’avais à jouer entre ces murs était important.
Pourtant, tout allait bientôt partir en fumée.
J’avais vingt-quatre ans. Mon père était convaincu que j’étais encore trop jeune pour passer le Symbole de Maîtrise, et même si je respectais sa décision en tant que maître, je devais lui faire entendre raison que tant que père. Nous étions encore en train de débattre de mon examen, quand l’alarme déchira le calme habituel de la ville. Nous nous étions tous les deux figés une seconde, avant de nous précipiter aux portes du château. Les grandes portes en chêne claquèrent, et sous mes yeux s’étendaient un océan noirâtre, comme une marée de pétrole en train d’engloutir nos murailles. Puis, je l’aperçus. Cette immense créature, plus haute encore que les maisons. Un Sans Cœur gigantesque, dont les cornes étaient encore couvertes de pierres et de sang.
Un Béhémoth. Alors, je commençais à réaliser. La muraille avait été enfoncée.
« Occupe toi du château ! Maman et Liselotte sont à l’intérieur ! »« ETHAN ! »Je m’étais déjà élancé. Un éclat de lumière m’avala, et j’en ressortis couvert d’une armure argentée. Ma Keyblade apparue alors entre mes doigts, et sans perdre une seconde, je m’élançais dans les rues de la ville. Mais il était déjà trop tard. Le chaos avait tout emporté. Des hurlements résonnaient de toute part, et à chaque coin de rue, j’apercevais des Sans Cœurs tailladant de pauvres passants. L’effroi et la colère firent bouillonner mon sang, et ma clef s’enfonça sauvagement dans les amas de ténèbres qui me barraient la route. Puis, un cri de garçon sur ma gauche. Je précipitais sans attendre, invoquant une flèche de lumière qui transperça un Sans Cœur. Derrière lui, un jeune homme effrayé. Soulagé, je m’élançais déjà vers lui la main en avant. C’est à ce moment que les ombres surgirent du sol, s’agglutinant sur moi comme pour m’attirer dans les ténèbres. Leurs pattes recouvraient ma visière, mais entre deux griffes, je pouvais distinguer le garçon.
Et je vis son visage couvert de larmes, alors que son corps s’enfonçait dans les ténèbres.
Quand je parvins à me dégager, la ruelle était déserte. J’avais encore le souffle court, mais quand mon regard se posa sur le ciel, ma respiration se figea. Des cœurs. Des centaines de cœurs, peut-être même plus, voltigeant paisiblement dans les cieux. Une boule noua ma poitrine, alors que j’étouffais des sanglots sous mon casque. Mes jambes cédèrent, et tout à coup, je me retrouvais à genoux sur le sol. Comme si un étau était en train d’écraser mon corps, jusqu’à en ôter la moindre bride d’espoir.
Puis, un tremblement secoua la terre. Et tout à coup, l’image de ma sœur et de mes parents frappa mon esprit.
J’arrivais au château à bout de souffle. Les grandes portes étaient encore ouvertes, et les soldats conduisaient les rescapés parvenus jusqu’ici à l’intérieur. L’étendue ténébreuses s’approchaient peu à peu du château, et désormais, les secondes étaient comptées. Quand mon père m’aperçu, il se précipita sur moi, redressant la visière de mon casque. Il m’enlaça avec ferveur alors que j’étouffais mes sanglots, mais avant même que je me calme, il posa sa main sur mon épaule.
« Rentre à l’intérieur, et n’oublie pas ton devoir Ethan. Il s’arrêta une seconde, et ses traits se chargèrent de tristesse.
Je suis désolé mon fils… Je suis désolé que cette tâche t’incombe. »« Papa, je ! »« Ne discute pas ! »Je n’avais pas la force de me débattre. Pas après ce qui venait de se passer. Il me poussa alors derrière la porte, mais derrière lui, les ténèbres étaient déjà aux portes du château.
« Écoute moi. Le titre de maître ne représente rien. Prouve ta valeur, c'est tout ce qui compte. N’oublie jamais ça Ethan ! N’oublie jamais qui tu es ! »Je voulus répondre quelque chose, mais déjà, il repoussa les lourdes portes en chêne. Alors que les premiers bruits de bataille recouvrirent le son de sa voix, je pus lire ses derniers mots sur ses lèvres.
« Je t’aime. »Alors, les portes claquèrent juste devant moi. Je m’écroulais contre les portes, incapable d’autre chose que d’écouter les bruits là-dehors. Le fracas de l’acier, les sifflements de la magie. Puis, plus rien. Les larmes coulèrent à nouveau sur mes joues, alors qu’un hurlement déchira ma gorge.
J’aurais voulu pleurer. Mais déjà, la marée noirâtre se glissa sous les portes du château. Ma mère et ma sœur étaient encore là. Je me relevais aussitôt, et m’élançais dans les couloirs tout en rabattant ma visière. Tout autour de moi, les ténèbres léchaient les murs, traversant les couloirs alors que je venais à peine d’en franchir le seuil. Plus vite. Plus vite. Encore une pièce. Un fracas terrible commença à faire trembler le château entier. La porte claqua derrière moi, avant que je ne me fige. La pièce était plongée dans les ténèbres. Le sol, les murs, tout était d’un noir absolu. Seule une silhouette se détachait du décor, comme absorbée par le sol. Je reconnus la main de Liselotte, avant qu’elle ne disparaisse complètement. Je m’écroulais à nouveau.
Je n’avais plus rien. Alors, la tristesse se mélangea à la colère.
Empêcher les ténèbres d’atteindre le cœur.
À n’importe quel prix.
Je n’avais plus aucune notion du temps. Je ne savais même pas combien de temps j’avais passé là, terrassé par le choc. Mais j’avais encore une chose à faire. Une chose pour mon père, ma mère, ma sœur, et tous les habitants de ce monde. Alors, puisant dans mes dernières forces, je me ruais vers la salle du trône, et me retrouvais face à une immense porte en métal. Un seul moyen de l’ouvrir. Un fin rayon de lumière illumina ma Keyblade, avant de frapper la serrure. La porte s’entrouvrit, et je pénétrais dans l’entrebâillement.
C’était une pièce immense, mais complètement vide. Seul un petit hôtel était au centre, supportant une pierre à peine plus grosse que le poing. C’était ça. Cette vulgaire pierre qui avait attiré ces créatures. Qui avait arraché la vie de ma famille. Qui était à l’origine de tous mes maux. Alors, je brandis ma Keyblade au-dessus de ma tête, avant de l’abattre de toutes mes forces. La pierre se brisa sous l’impact. Puis, plus rien. Je sentis seulement mon corps, engloutit par les ténèbres, alors que Calhaan disparaissait.
* * *
La neige. Malgré mon armure, je sentais le froid mordre ma peau. Je grelottais, incapable de bouger. Je n’avais plus de force. J’étais épuisé. J’avais mal partout, et du mal à garder les yeux ouverts. Du coin de l’œil, je vis ma main, raidie autour de la poignée de ma Keyblade. Je me souvenais peu à peu. La pierre… Le choc, puis, une terrible déflagration. Je m’étais retrouvé dans les ténèbres, à dériver sur ma Keyblade… Et puis… Mais plus je tentais de retrouver mes esprits, plus mes forces m’abandonnaient. Un voile opaque tomba devant mes yeux, me plongeant à nouveau dans l’obscurité.
Une odeur de jasmin titilla mes narines. La sensation de froid avait laissé place à une douce chaleur, accompagnée d’une terrible migraine. Le moindre éclat de lumière était un véritable supplice, et pourtant, le flou de formes et de couleurs qui dansaient devant mes yeux se transforma peu à peu en une modeste petite chambre. Une silhouette se pencha au-dessus de moi, une infusion entre les mains. Cette silhouette portait le nom de Fai. Et j’appris ainsi que j’étais en Chine, au beau milieu de la Terre des Dragons.
Même si Fai avait accepté de prendre soin de moi durant ma convalescence, j’étais incapable de lui raconter ce qui m’était arrivé. Trop de choses étaient encore confuses dans ma tête, et je n’avais pas le cœur à affronter tout ça. En réalité, je n’avais le cœur à rien. Fai et son frère vivaient encore chez leurs parents, et j’occupais mes journées à contribuer aux tâches de la petite maison. Ils ne m’avaient pas questionné davantage sur mon passé, peut-être par respect, ou peut-être car j’avais le regard des hommes qui ont traversé une terrible épreuve. Ainsi, le temps passa. Une saison, deux, et presque une troisième. J’avais parfois l’impression de vivre la vie d’un autre, observant de loin sans rien ressentir. Tout était derrière moi désormais. La Keyblade, les Sans Cœurs… Ou du moins, c’était ce que je croyais.
Huit mois avaient passé. Je me sentais souvent coupable d’imposer ma présence à ces gens, mais à chaque fois, ils m’assuraient avec la même affection que j’étais le bienvenu. Et pour cette même raison, je travaillais d’autant plus dur, comme si j’avais une dette à rembourser. Mais les choses changèrent quand, un beau matin d’automne, un cri déchira le silence de la montagne. Le cri d’un enfant : celui du frère de Fai.
Je m’étais précipité alors que le village semblait encore tétanisé. Je courrais à en perdre haleine, mes lèvres gercées se fissurant tant le froid était mordant dans les hauteurs. Et puis, je les vis. Ceux-là même que j’avais oublié. Ou du moins, que j’avais cru oublier. Mon sang bouillonna. Une colère comme je n’en avais que rarement ressentit secoua mon corps. Ils étaient là. Les Sans Cœurs. Alors, toutes les images ressurgirent dans ma tête. Le massacre, la ville, le château… Mais surtout, mon père.
« N’oublie jamais qui tu es ! »« Plus jamais, murmurais-je entre mes dents serrées.
»Elle apparue aussitôt entre mes mains. La Clef. Celle-là même que je pensais être indigne de porter. Celle-là même dont j’avais besoin pour protéger les mondes des Sans Cœurs. Un sifflement métallique accompagna le moindre de mes mouvements, alors que les créatures explosaient en gerbes de ténèbres dans mon sillage. Quand le dernier Sans Cœur eu disparu, je me retournais enfin vers le jeune garçon. Indemne, mais encore terrifié. Quand il vit ma main tendue, il se précipita dessus. Ma Keyblade disparut, et dans un murmure, j’assurais à l’enfant qu’il était en sécurité désormais.
Après un tel incident, la famille de Fai décida de retourner dans la Chine profonde, là où ils seraient en sécurité. Ils me proposèrent de les accompagner, mais je refusais. Désormais, j’avais quelque chose à accomplir. Quelque chose d’important. Alors, ils me saluèrent avec une sincérité touchante, alors que je les remerciais avec tendresse. Puis, leur petite carriole commença à s’enfoncer dans le sentier, et sous les premières lueurs de l’aube, je les regardais quitter la montagne. Quand ils ne furent plus qu’une tâche noire perdue dans l’horizon, je réalisais qu’il était temps pour moi de quitter ce monde. Je devais reprendre ma route, et dans un éclat de lumière, mon armure enveloppa mon corps. J’observais un instant ma main gantée, avant de lever mon regard vers ma Keyblade. Ou plutôt, mon Planeur Keyblade : un véhicule à la silhouette effilée et arrondie, assez semblable à une moto. C’était la première fois que j’invoquais ma Clef sous cette forme, depuis que mon père m’avait enseigné cette technique. J’enfourchais ma nouvelle monture, tout en faisant apparaître un portail de lumière. Puis, sans un regard en arrière, je traversais le vortex qui se referma derrière moi. Et pour la première fois, je découvris les entrechemins. Une immensité à couper le souffle, qui me rappela combien le monde que j’avais connu jadis pouvait être petit. Alors, une pointe de solitude logée dans la poitrine, je m’enfonçais dans l’immensité de l’univers.
Je passais les mois suivants à explorer de nouveaux mondes, affrontant les Sans Cœurs dans des contrées plus vastes les unes que les autres. Des mondes parfois superbes, et parfois injustes. C’était pourtant la meilleure manière pour moi de mettre ma Keyblade à profit. Ainsi, j’appris tout ce que j’avais ignoré en restant à Calhaan : les nombreuses batailles qui faisaient rage depuis maintenant plusieurs années, ou encore les ravages causés par les Sans Cœurs. Mais le pire était à venir. Plus je découvrais de nouveaux de mondes, et plus les rumeurs devenaient inquiétante. la Confrérie Obscure s’était mise en quête des Princesses de Cœur, tandis que les Gardiens tentaient d’assurer leur protection. Une guerre sans précédent était sur le point d’éclater. Mais je savais quel rôle j’avais à jouer désormais. Je devais me battre. Me battre pour protéger l’équilibre. Me battre pour la sauvegarde des mondes. Me battre tant que j’en aurais la force.